La mélodie du bonheur - la critique du film

Notre avis : Curiosité. Comment se comporte, quarante ans après sa sortie, la comédie musicale de tous les superlatifs ? Cinq Oscars dont celui du meilleur film, recettes mirifiques (mieux qu’Autant en emporte le vent), un engouement qui n’a jamais faibli aux USA, de génération en génération. Après trois heures de visionnage (d’accord, c’est un peu longuet), ma foi, on est sous le charme. À condition de prendre ce film pour ce qu’il est, un spectacle grand public faisant de la gentillesse le pivot de sa vision du monde. Pourquoi pas, après tout ? D’autant que Robert Wise et son équipe ont su ne pas tomber dans les pièges attendus. C’est sucré, bien entendu, mais nullement écœurant. La nunucherie est évitée, l’étalage de bons sentiments ne donne pas la nausée. Grâce à qui ? Grâce à quoi ?
À un metteur en scène, tout d’abord, qui n’est pas un grand créateur mais un excellent faiseur respectueux de son public. Le moindre plan est soigné à l’extrême, qu’il s’agisse de la lumière ou du cadre, le montage est fluide, les chansons ne sont pas plaquées sur l’action, bien au contraire, elles en font partie intégrante. Les comédiens sont dirigés avec beaucoup de doigté. Julie Andrews "est" Maria, d’une fraîcheur de tous les instants. Mais la palme revient à Christopher Plummer, acteur shakespearien qui redoutait de casser son image en acceptant de figurer dans cette pâtisserie, et qui, par son jeu bourré d’humour, apporte énormément au personnage du capitaine von Trapp et à l’ensemble du film. Quant à la bande de mômes, ils sont parfaits, en particulier dans les parties chorégraphiées où ils font preuve d’un naturel confondant. En cerise sur le gâteau, la guest star, Salzbourg : la ville et ses environs montagneux offrent à l’ensemble un décor d’une beauté à couper le souffle et sont pour beaucoup dans la réussite de La mélodie du bonheur.
Quant au scénario, il est ce qu’il est et n’a rien à voir avec la véritable histoire de la famille von Trapp dont il s’inspire. Mais ce n’était pas son ambition. Ici, ce qu’on a voulu dire, c’est que la musique adoucit les mœurs sans pour autant durcir les cœurs. Pari gagné avec des chansons inoubliables (à condition d’éviter la version française totalement misérable). Oui, contre toute attente, The sound of music (titre original bien plus adéquat que sa "traduction") a bien vieilli et vaut tout à fait la peine d’être revu. Le ressortir en édition spéciale pour son quarantième anniversaire est finalement une sacrée bonne idée.

Le DVD

Le(s) supplément(s) à ne pas rater : Comme si l’histoire même du film avait déteint sur ses protagonistes, c’est ce que l’on ressent à les écouter tous : la bande d’enfants restée soudée et qui continue à se voir régulièrement (Quarante ans après, réunion de la famille von Trapp) ; Julie Andrews et Christopher Plummer qui sont toujours les meilleurs amis du monde (Souvenirs de tournages de Julie Andrews et Confidences). Evidemment, le temps passant et faisant son œuvre, les souvenirs se sont réorganisés, c’est humain, et le succès, gigantesque, fait que le film reste plus cher au cœur de ceux qui y ont participé. Ils évoquent un tournage difficile, la pluie qui ne cessait de tomber mettant à mal le plan de travail, mais surtout les relations nouées alors et qui perdurent. Pas de détails croustillants ni de coups de griffe, des remarques consensuelles : la gentillesse est elle aussi la marque de ces bonus où l’on découvre avec plaisir quelques rares scènes de tournage (la folie du making of n’avait pas encore gagné les studios en 1965). Concernant l’impact du film sur le public d’outre-Atlantique, un karaoké géant au Hollywood Stadium et, mieux encore, un documentaire sur Salzbourg qui nous fait découvrir des hordes d’Américains se précipitant en pullman sur les lieux de tournage de leur film fétiche, comme si The sound of music avait fait plus que Mozart pour la renommée de la ville... En contrepoint, un sujet sur la véritable famille von Trapp avec l’intervention de deux des enfants encore vivants. Et, pour ceux qui veulent tout savoir du moindre plan, deux pistes de commentaires audio sont disponibles (d’une part Robert Wise, d’autre part Julie Andrews épaulée par quelques comédiens), mais elles n’apportent pas grand-chose, leurs meilleurs moments étant déjà insérés dans les documentaires.

Image et son : Pour qui douterait de son bien-fondé, un avant-après sur la restauration du film vient mettre les points sur les "i". Le travail est à la hauteur d’un DVD anniversaire et le rendu des couleurs (en particulier pour les paysages alpestres) absolument magnifique. Quant au son de la VO, il bénéficie d’un relief phénoménal et d’un mixage aux petits oignons. On ne peut pas en dire autant de la version française d’une effrayante platitude. Mais qui aurait l’idée de visionner une comédie musicale en version doublée ?!