Critique : La société a changé. Au terme de sa réflexion, c’est ainsi que Basile Panurgias pourrait conclure son livre. Désormais, l’emprise du pouvoir et la domination masculine ne sont plus passées sous silence par les femmes qui ont subi des agressions. Mais comment réagir lorsque l’accusé n’est autre qu’un ami proche ?

L’écrivain ne répond pas à cette question, trop personnelle et complexe, mais il donne la voie qu’il a lui choisie d’emprunter, celle de la réflexion intrinsèque. Et son doute lui permet alors d’interroger tout un système de l’entre-soi qui ne peut déboucher que sur un sentiment d’impunité.

Le scandale n’arrive pas n’importe où, ni à n’importe qui. Jean-Claude, dont le nom de famille n’est jamais cité par l’auteur, comme pour mieux rappeler leur proximité, est marié à Katarina, alors jurée au prestigieux prix Nobel de littérature. En Suède, Jean-Claude Arnault est une institution dans la vie culturelle. Très vite, après les accusations, les journalistes démontreront d’ailleurs une affaire de conflit d’intérêts important entre ses activités et celle de l’Académie du Nobel. Le retentissement de tous ces faits a été énorme, entraînant la démission de son épouse de ses fonctions à l’Académie, la cessation de ses activités et des soupçons de corruption pesant sur l’institution suédoise, engendrant le report du prix.

Dix-huit femmes ont dénoncés des faits, huit ont porté plainte, une seule a obtenu réparation. Pour le Français, cela semble être une sidération. D’après ses déclarations, il ne comprend pas les faits qui lui sont reprochés. C’est en tout cas ce qu’il avoue à son ami, autour de cafés, de moins en moins réguliers, au fur et à mesure que Basile s’interroge. Jusqu’où peut-on qualifier la notion de consentement ? Les circonstances sont-elles importantes ? Peut-on réellement être aussi raffiné en société et brutal dans l’intimité ? Finalement, qu’est-ce qu’une victime ?

L’auteur livre aussi par bribes le positionnement de Katarina, l’épouse du coupable, qui le soutient jusqu’au bout. Que savait-elle ? Comment appréhende-t-elle désormais les relations avec son mari, elle qui a beaucoup perdu suite aux révélations ?

Ce que démontre l’écrivain, c’est avant tout cette fracture dans la société. La libération de la parole des femmes qui ont subi des agressions sexuelles doit engager à la réflexion, bien au-delà des relations entre les sexes, sur les rapports de domination en général. A travers les exemples qu’il choisit dans ce livre, Panurgias remet en cause la vision sociale de la place des femmes, cette condamnation implicite au silence, la banalisation d’une violence organisée entre les puissants- ou ceux que l’on reconnaît comme tels – et les aspirants.

Ce livre post #metoo se pose les bonnes questions.