Tête haute
Le 1er août 2014
Une périphérie de Naples débarrassée du folklore et une héroïne fière, insondable et décidée dans ce remarquable deuxième film de Piscicelli aux partis pris stylistiques affirmés.
- Réalisateur : Salvatore Piscicelli
- Acteurs : Marina Suma, Angelo Cannavacciuolo, Sergio Boccalatte, Gianni Prestieri, Martin Sorrentino, Antonella Patti, Ciro Ricciardi
- Genre : Drame
- Nationalité : Italien
- Durée : 1h30mn
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– En compétition au Festival de Venise 1981
– David di Donatello de la meilleure actrice débutante pour Marina Suma
Une périphérie de Naples débarrassée du folklore et une héroïne fière, insondable et décidée dans ce remarquable deuxième film de Piscicelli aux partis pris stylistiques affirmés.
L’argument : Rosa, ouvrière dans la périphérie de Naples, quitte l’usine et choisit de gagner sa vie en se prostituant. Son fiancé Tonino est mécanicien mais se livre aussi à diverses activités illicites et entretient une relation homosexuelle avec le riche Gino.
Le jeune couple s’installe pendant quelque temps chez Angelo, un marin au chômage.
Gino pousse Tonino à épouser Rosa et leur offre un grand appartement situé juste en dessous du sien. Lorsque la jeune femme tombe enceinte Gino l’entoure de ses prévenances mais Rosa n’est pas disposée à laisser les autres décider de sa vie à sa place.
Notre avis : En 1979, le premier long métrage de Salvatore Piscicelli, Immacolata e Concetta - L’altra gelosia (sortie en France le 15 octobre 1980), avait remporté le Léopard d’argent du Festival de Locarno. Il mettait l’univers codifié du théâtre dialectal napolitain à l’épreuve d’une crudité distanciée proche de celle de Fassbinder et traitait avec une tranquille frontalité de l’homosexualité féminine. La force de transgression du film reposait sur une stylisation lui permettant d’observer avec une sympathie respectueuse ce qui ailleurs aurait donné lieu à la surenchère complaisante.
Le occasioni di Rosa - Piscicelli 1981 Le deuxième film de Piscicelli, Le occasioni di Rosa, est centré lui aussi sur une figure féminine mais, comme il le dit lui même dans la note d’intention reproduite dans le livret d’accompagnement d’une remarquable édition DVD publiée par RHV en 2010 (avec sous titres français) : Immacolata était à sa manière une héroïne tragique. Rosa arrive après la fin de la tragédie.
En 1980, le Naples populaire, folklorique, univers où régnait le mélodrame, a en effet cédé la place aux immeubles flambant neufs et anonymes d’une périphérie urbaine privée de spécificité locale que l’héroïne arpente lors d’une longue séquence initiale.
Le cinéaste a soigneusement évité de filmer le centre ancien de la ville, privilégiant ces grands ensembles, des friches urbaines et des paysages industriels et ne faisant apparaître la mer que brièvement en arrière plan. Même l’usage du dialecte est simplement un élément qui va de soi et ne sert pas à renforcer la couleur locale.
Le occasioni di Rosa - Piscicelli 1981 Les tonalités froides de la superbe photo en Technicolor signée Renato Tafuri, la musique déconstruite du percussionniste Helmut Laberer, l’usage scrupuleux du son direct y compris pour les ambiances (pratique révolutionnaire dans le cinéma italien de l’époque), le jeu résolument rétif à la psychologie d’acteurs pour la plupart non professionnels répondent bien, comme le dit encore Piscicelli, au désir d’appliquer un regard lucide et pacifié … de ne pas juger, et aussi de pas juger qui juge. A la limite, de regarder ailleurs ; dans le sens de regarder là où les schémas … tombent devant ce que je ne peux définir autrement que comme la force et la nécessité des choses.
Le occasioni di Rosa - Piscicelli 1981
Cette démarche rigoureuse permet à des acteurs-personnages singuliers de déployer à l’écran une grâce faite de mystère et de force fragile : Angelo, le marin en rupture de ban (Gianni Prestieri) qui établit avec Rosa un étrange rapport de complicité ; Monica le travesti (Ciro Ricciardi, bouleversant) à qui elle se confie ; Tonino l’indécis (Angelo Cannavacciuolo dont la gaucherie touchante rend très crédible le mélange de candeur et de rouerie) ; et surtout la rayonnante Marina Suma, Rosa insondable, au pas décidé et à la vitalité lumineuse qui ne baisse jamais la tête, refuse le piège de l’usine (au début) comme celui de la maternité, bref foncièrement irréductible au rôle de victime traditionnellement assigné à la femme dans cet univers masculin.
On ne peut que regretter qu’après ses deux premiers films très remarqués les oeuvres ultérieures de Salvatore Piscicelli (Blues metropolitano, 1985 ; Regina, 1987 ; Baby gang, 1992 ; Il corpo dell’anima, 1999 ; Quartetto, 2001 ; Alla fine della notte, 2003) n’aient connu qu’une diffusion très limitée et n’aient guère franchi les frontières italiennes.
Le occasioni di Rosa - Piscicelli 1981
http://vimeo.com/48434316
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