Nouvelle chance

Augustin et Danielle Darrieux au théâtre ! Anne Fontaine interroge la notion de réussite sociale dans un récit libre, fantaisiste et émouvant.

L’argument : Comment réunir des êtres aussi dissemblables qu’Odette Saint-Gilles, vieille actrice oubliée dans un centre d’accueil social ; Augustin Dos Santos, garçon de piscine à l’hôtel Ritz ; Bettina Fleischer, héroïne de feuilleton populaire ; et Raphaël, jeune homme à la beauté troublante. Ensemble, auront-ils une dernière chance pour assouvir leurs rêves ?

Notre avis : Nouvelle chance est l’heureux fruit d’un projet avorté. Au départ, Anne Fontaine avait le désir d’adapter une pièce, Les salons, inspirée par la correspondance de Madame du Deffand et Julie de Lespinasse [1]. Mais réticente à l’idée de réaliser un film en costumes, elle a transformé le projet tout en le personnalisant.
C’est ainsi qu’on retrouve avec bonheur le personnage lunaire qu’elle a créé avec son frère, qui l’interprète. Augustin, qui fut un jubilatoire roi du kung-fu, est désormais marié à une Japonaise et a deux jeunes enfants. Il gagne sa vie en garçon de piscine au Ritz, mais sa véritable passion est le théâtre. Sa rencontre avec une vedette de music-hall oubliée, Odette Saint-Gilles (Danielle Darrieux, remarquable chanteuse, a aussi une belle carrière dans ce domaine). Grande admiratrice des échanges entre Madame du Deffand et Julie de Lespinasse, elle l’incite à monter une pièce les mettant en scène. Rejoints par une vedette de feuilletons (Arielle Dombasle), et un jeune premier, Odette et Augustin commencent les répétitions.
C’est donc un groupe largement hétérogène qui tente de travailler ensemble, non sans heurts ni difficultés, le récit continuant à s’inspirer de loin en loin des rapports entre les deux épistolières (la cécité croissante, les heurts...). Les scènes et répliques cocasses s’enchaînent. Autre qualité, Anne Fontaine parvient à inscrire son film dans des univers sociaux divers (le foyer, la banlieue des petites classes moyennes, le Ritz) et elle interroge avec acuité la notion de réussite dans ce domaine. Éléments auxquels elle prête une attention constante puisqu’on les retrouve dans chacun de ses films. S’éloignant des ambitions psychologisantes qui alourdissent parfois son cinéma, faisant le choix de la fantaisie et de l’émotion, elle offre enfin un superbe rôle à son interprète principale. Plus naturelle et touchante que jamais, Danielle Darrieux domine ce récit libre qui, sans cesse surprenant, nous apporte beaucoup de plaisir.