Verwirrung der Liebe (La confusion de l’amour) - La critique du film

Une comédie sentimentale aux couleurs pimpantes qui apportait un souffle d’air frais dans le cinéma de RDA de la fin des années 50 en observant sans langue de bois une jeunesse libérée. Le dernier film achevé de Slátan Dudow.

L’argument : Sonja, qui étudie la peinture à l’Ecole Supérieure des Beaux Arts de Berlin-Weißensee, et Dieter, étudiant en médecine, forment un couple depuis deux ans. Ils doivent se retrouver lors d’un bal costumé mais Dieter ne reconnaît pas Sonja sous son déguisement et la confond avec Siegi, une jeune ouvrière.

Notre avis : Connu surtout pour le film prolétarien Kuhle Wampe - ventres glacés, réalisé en 1932 en collaboration avec Bertold Brecht et le musicien Hanns Eisler, Slátan Dudow fut, après la guerre, une figure de premier plan du cinéma est-allemand jusqu’à sa mort accidentelle, en 1963, pendant qu’il tournait Christine qui restera inachevé mais dont une copie de travail sera visible à partir de 1974.
Annekathrin Bürger - Verwirrung der Liebe - Slátan Dudow - DEFA 1958
Si toute son œuvre est placée sous le signe de l’engagement pour la cause du communisme, la rhétorique du discours de propagande, très présente encore dans des films comme Unser täglich Brot - Notre pain quotidien (1949) ou Familie Benthin (1950), s’y déploie rarement à vide, sans entrave, mais y entretient au contraire une relation de plus en plus tendue, dialectique, conflictuelle même, avec une attention amoureuse au réel et à ses complexités.
Cet éloignement progressif de la langue de bois qui, dans Christine, l’amènera à épouser le point de vue d’une héroïne en rien exemplaire, est très sensible dans Verwirrung der Liebe, le dernier film achevé de Dudow, une comédie en apparence anodine et aux couleurs pimpantes, qui constate au final, sans s’en alarmer outre mesure, que si les classes sociales sont officiellement abolies en RDA, les couples mixtes (étudiants et ouvriers) ont du mal à prendre.
Stefan Lisewski & Angelika Domröse - Verwirrung der Liebe - Slátan Dudow - DEFA 1958
La manière faussement frivole qu’a le film d’aborder avec un certain recul amusé, et surtout sans hystérie, les phénomènes de société, notamment une nouvelle liberté sentimentale et sexuelle qui est montrée comme allant de soi, suscita la polémique mais n’est sans doute pas étrangère au succès public considérable qu’il rencontra à sa sortie en salles.
Certaines audaces (la nudité lors des deux scènes parallèles de bain en plein air) ont forcémént perdu une part de leur impact et la longue séquence du bal costumé (23 jours de tournage à elle seule) manque un peu de folie malgré la virtuosité de la mise en scène ainsi que de l’étonnant travail sur les costumes et la couleur.
Angelika Domröse & Willi Schrade - Verwirrung der Liebe - Slátan Dudow - DEFA 1958 Pourtant cette Confusion de l’amour, par moments vraiment drôle et souvent émouvante, reste extrêmement attachante par la chaleur d’un regard sans complaisance mais qui ne juge pas et la grâce de ses interprètes, en particulier les deux jeunes femmes, Annekathrin Bürger (Sonja, l’artiste, posée mais pas tant que ça) et la débutante Angelika Domröse (Siegi, la midinette).
Avec ce film léger mais important le vétéran Dudow contribuait de manière décisive à faire souffler l’air frais qui avait commencé à agiter le cinéma est allemand un peu plus tôt (Berliner Romanze et Berlin - Ecke Schönhauser du tandem Klein-Kohlhaase) et allait continuer à produire nombre de films de doute, non formatés, jusqu’au coup d’arrêt prononcé lors du fameux onzième plenum du Comité Central du SED en décembre 1965. Dudow, qui aurait peut-être pu, qui sait, infléchir ce retour à l’ordre, n’était plus là.