Critique

CINÉMA

Violette - la critique du biopic sur Violette Leduc

Le 10 novembre 2013

Galerie Photos

  • Cyril75 12 novembre 2013
    Violette - la critique du biopic sur Violette Leduc

    Violette retrouvée

    Il a fallu bien du courage et de la détermination à Martin Provost pour réaliser un film autour de Violette Leduc, écrivaine injustement méconnue de nos jours. Ce film retrace vingt-deux ans (1942-1964) de la vie d’une femme écrivain au talent exceptionnel, et qui devait décéder en 1972. Un parcours émaillé de livres exigeants, audacieux – et dont la prose poétique n’a trouvé que très tard, après plusieurs échecs cuisants, un grand succès public. Avec La bâtarde en 1964, qui aurait dû recevoir le prix Goncourt s’il n’avait effrayé certains jurés le jugeant trop scandaleux. « On ne peut pas mettre ce livre sur la cheminée d’une famille », s’était alors écrié Roland Dorgelès…
    Quarante et un ans après la mort de Violette, Martin Provost nous offre un film rigoureux et raffiné, ne cédant jamais à la facilité. Le regard apaisé du cinéaste convient en effet parfaitement. On pouvait craindre tout le parti hystérique que d’autres réalisateurs auraient été tentés de prendre avec un tel sujet. Tout est au contraire soigné, minutieux, précis et fidèle, tant à l’œuvre qu’au personnage baroque qu’était Violette Leduc. Martin Provost prend aussi le temps de nous faire entrer dans la relation riche et complexe qui a uni ces deux grandes écrivaines : Simone de Beauvoir et Violette Leduc.
    Emmanuelle Devos est une époustouflante Violette tout en ne recherchant pas le mimétisme. Certes, elle a accepté de s’enlaidir mais n’a aucunement tenté d’imiter la voix plutôt grave ni le phrasé trainard de Violette. Elle a tout compris du personnage et restitue parfaitement toutes les facettes de cette « petite fille étonnée et vieille fille roublarde », comme l’écrivait Pierre Kyria dans un article hommage de Combat. Sandrine Kiberlain est une fabuleuse Simone de Beauvoir, qui a enfilé avec un bonheur évident les habits du « Castor ». On est subjugué par ce « Castor », par sa voix au débit rapide, sa démarche élégante, sa rudesse, sa compassion, sa bienveillance – mais aussi son humanité envers la « femme laide », qu’elle soutiendra matériellement et psychologiquement pendant près de vingt ans.
    Les autres acteurs sont également au rendez-vous. La grande Catherine Hiegel campe la mère de Violette, d’allure altière mais pouvant déraper dans une certaine vulgarité, impitoyable avec sa fille mais également aimante. Jacques Bonnaffé est épatant dans le rôle du poète voyou Jean Genet. La relation affectueuse, tumultueuse et complice entre ces deux bâtards de génie : tout y est. L’écrivain canaille Maurice Sachs est joué fiévreusement par Olivier Py : Violette Leduc s’était laissé entraîner en Normandie par ce Maurice qui l’avait initiée au trafic des « années noires » – la scène où ce « drôle » fuit « l’emmerdeuse » est merveilleusement pathétique. Étonnante aussi la composition d’Olivier Gourmet, dans le rôle du richissime parfumeur, collectionneur et mécène « radin » Jacques Guérin. Là aussi, Martin Provost n’a pas cherché la ressemblance physique. Olivier Gourmet fait apparaître toute la rigidité, la patience, mais aussi la sensibilité, voire la fragilité, du seul homme que Violette ait aimé.
    Merci à Martin Provost de nous avoir rappelé ou convaincu que Violette Leduc est l’une des plus grandes voix de la littérature française du XXe siècle.

    Jean-Claude Arrougé

Votre avis

Votre note :
5 votes
Forum sur abonnement

Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.

ConnexionS’inscriremot de passe oublié ?

aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.