Le 14 mai 2024
Le cinéma documentaire de Mehran Tamadon pose la question : "comment vivre ensemble dans un même pays lorsque l’appréhension du monde des uns et des autres est à ce point opposée ?" Nouveaux éléments de réponse sur le sujet le plus grave pour témoigner de la barbarie d’un régime.
- Réalisateur : Mehran Tamadon
- Nationalité : Français, Suisse
- Distributeur : Survivance Distribution
- Durée : 1h52mn
- Date de sortie : 15 mai 2024
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Résumé : Taghi, Homa et Mazyar ont été arrêtés et interrogés par le régime iranien. Tous les trois témoignent avec leurs corps, avec leurs gestes et racontent ce que signifie résister, ce que signifie craquer. Y a-t-il un espoir que le tortionnaire renoue un jour avec sa conscience ?
Critique : "Homo homini lupus est" - L’homme est un loup pour l’homme, dit le proverbe. C’est sur ces paroles que se conclut le documentaire Là où Dieu n’existe pas de Mehran Tamadon sur les conditions d’incarcération et de torture en Iran. Basé sur la reconstitution de l’expérience d’une femme et de deux hommes, ex-détenus passés par la tristement célèbre prison d’Evin, le documentaire témoigne de cet enfer.
- Copyright Survivance
Les témoignages où le réalisateur iranien intervient en pleine transparence devant la caméra sont émouvants, poignants mais également gênants et perturbants. Le dispositif même de la réalisation n’est pas exempt de voyeurisme. En ce sens, ce documentaire se rapproche de Sonita où Rokhsareh Ghaem Maghami, documentariste en empathie avec la chanteuse éponyme, décide d’intervenir pour l’aider à réaliser son rêve. On peut aussi le comparer avec Yalda, la nuit du pardon de Massoud Bakhshi, qui permet de situer un contexte culturel spécifique dans lequel la télévision assume pleinement ses tendances voyeuristes. Tentant de recréer les conditions d’un enfer où l’impression de temps est progressivement abolie, les traumatismes de ces expériences extrêmes sont réactivées pour une drôle d’illusion, celle que le documentariste fixe à son projet : faire prendre conscience aux bourreaux qui pourraient voir le film de ce qu’ils infligent aux détenus. L’effet miroir pourrait alors, croit-il, être positif. Mais finalement, les sensibilités des trois survivants héroïques permettent de dresser un tableau nuancé et complexe des formes de résiliation, des stratégies de contournement, des facilités à se convaincre face à la naïveté du projet. Pour autant, cette croyance en une prise de conscience des bourreaux se fracasse sur les murs de cette prison et donne son titre au film : quelles que soient les raisons de leurs arrestations, les motivations islamiques du régime, il y a bien des endroits en Iran où Dieu n’a pas sa place, ce sont ces geôles où l’homme est déshumanisé et devient ce loup pour l’homme.
- Copyright Survivance
Le renversement des rôles qui fait passer les anciens détenus en gardiens de prison, tortionnaires, bourreaux pour le cinéma réveille avec force les traumatismes et les seules réponses tenables à cette sortie de prison : les trois ont choisi - ne serait-ce que pour un temps - l’exil en France. Mais les trois répondent individuellement et différemment aux situations traumatisantes vécues. Le courage de ces pudiques “héros” qui progressivement acceptent de jouer des personnages aux antipodes de ce à quoi ils veulent ressembler et à des “années-lumière” de ce qu’ils peuvent revivre, est une bonne définition pour ce que Boris Cyrulnik appelle résilience. Cette résilience ouvre la voie à un deuil, celui d’une certaine illusion d’insouciance à jamais perdue.
Notes Là où Dieu n’est pas forme avec Mon pire ennemi un diptyque de Mehran Tamadon consacré aux interrogatoires idéologiques et à la violence politique en Iran. Les deux films peuvent se voir indépendamment.
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