La preuve par quatre
Le 29 janvier 2014
Petit miracle de justesse et d’équilibre : un premier film à marquer d’une pierre blanche.


- Réalisateur : Sofia Coppola
- Acteurs : Kirsten Dunst, James Woods, Josh Hartnett, Kathleen Turner
- Titre original : The Virgin Suicides
- Genre : Drame
- Nationalité : Américain
- Date de sortie : 27 septembre 2000
- Durée : 1h36mn
- Festival : Festival de Cannes 1999

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Petit miracle de justesse et d’équilibre : un premier film à marquer d’une pierre blanche.
L’argument : Une ville américaine tranquille et puritaine des années soixante-dix. Cecilia Lisbon, treize ans, se suicide dans l’incompréhension générale. Elle a quatre sœurs, de jolies adolescentes, qui obsèdent les garçons du voisinage. Petit à petit, la famille se referme et les filles reçoivent l’interdiction de sortir. Les garçons envisagent de les secourir. Ils n’y parviendront pas.
Notre avis : On l’attendait au virage, l’éclectique cadette du clan Coppola. A vingt-huit ans, déjà comédienne, directrice photo, scénariste, productrice, elle n’a à son actif qu’un court métrage lorsqu’elle décide de passer à la réalisation. D’emblée elle tape dans le mille et prouve qu’elle possède son propre univers, attachant, touchant : celui des paumés, des écorchés de la vie, des personnages en décalage, mal à leur place dans leur existence et dans la société. Cette inspiration aboutira plus tard aux deux esseulés de Lost in translation et à une Marie-Antoinette sans repères dans la cour de Versailles. Pour l’heure, c’est un roman de Jeffrey Eugenides que Sofia Coppola adapte, un best-seller qu’elle va mitonner à sa propre sauce (moins de noirceur, moins de critique sociale).
L’histoire tragique des sœurs Lisbon, racontée par les garçons - aujourd’hui adultes - qui les admiraient, est toute entière nimbée dans les brumes du souvenir. Les quatre jeunes filles traversent le film, telle une entité blonde et lumineuse, irréelle, inatteignable, désespérée. Encore assez proche de l’adolescence pour se rappeler sans le travestir le mal-être qu’elle a dû ressentir elle-même, la réalisatrice s’attache au mystère que représentent ces adolescentes pour leur entourage - mais pour elles-mêmes aussi. Qui l’on est et où l’on va, on ne le sait pas à quinze ans, tout ce que l’on désir, c’est de l’amour, encore de l’amour, toujours plus d’amour. D’amour, cependant, il n’y a pas la moindre trace dans un monde fait d’obligations (scolaires, familiales, religieuses) où les désirs et les aspirations ne sont jamais pris en compte. La violence qui est faite à ces jeunes filles ne ressort pas d’une démonstration pesante. De toutes petites scènes, à peine dialoguées, viennent étayer le propos de la réalisatrice, qui sait magnifiquement montrer, sans avoir l’air d’y toucher, l’envers d’un décor policé à l’apparence parfaite. Père démissionnaire, mère égoïste et jalouse, garçons cyniques, prêtre et médecin à côté de la plaque, la vie des sœurs Lisbon a toutes les apparences d’un petit enfer quotidien. Leur capacité de rêve épuisée, elles n’auront d’autre solution que s’en aller.
Petit miracle de justesse, cruel, déchirant, tragique mais à la frange de la drôlerie, Virgin suicides est à marquer d’une pierre blanche en tant que premier film. Scénario en béton, technique sans faille, belle direction de comédiens (Kirsten Dunst en particulier), musique inoubliable (celle de Air), on assiste, ébloui, à l’avènement d’une réalisatrice capable de fouiller l’âme humaine dans ses moindres recoins. De nous surprendre et de nous bouleverser en nous racontant une histoire à sa façon. La preuve, si besoin est, que le cinéma a encore de beaux jours devant lui. Quel bonheur !
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