Scissor Sisters

New York peut bien être en pleine décadence culturelle depuis son ravalement sécuritaire des années 90, elle conserve de beaux restes. Témoins les Scissor Sisters, dont le Tits on the radio regrette justement une ville et ses zones interlopes, ses clubs de drag-queens, tout cela disparu suite aux menées du vertueux maire Giuliani. Leur plus belle attaque contre la pudibonderie américaine est sans aucun doute une reprise hyper lascive de Pink Floyd, Comfortably numb, qui tient plus des Frankie Goes To Hollywood ou du Staying alive des Bee Gees que de la pop prog de Roger Waters. Dont les Scissor Sisters semblent pourtant d’authentiques fans, à en juger par la ballade Return to Oz qui termine l’album.

Loin de se résumer au énième groupe d’électro fashionista chassant sur les brisées de Fischerspooner, les New-Yorkais se réclament d’un héritage soul-rock allant du glam de Roxy Music et d’un Elton John période Goodbye yellow brick road, à la pop 80’s de Bowie, des B 52’s ou de George Michael (sur le moite Take your mama out. Tout cela laisse des traces d’un goût parfois douteux, comme ce redoutable solo de sax échappé de la pire pop FM des années 70 sur la fin de Mary. Pourtant l’exercice de style kitsch est évité grâce à la facilité du groupe à signer des titres mémorables comme l’électro mélancolique de It can’t come quickly enough, évocation des ravages des drogues dures dans les clubs gays de Big Apple.

On peut aussi invoquer une attitude impeccable sur scène, avec au chant les extravertis Jake Shears et Ana Matronic, qui tient autant de la Kate Pierson des B 52’s (justement) que de Kylie Minogue, l’humour assassin en plus. Outre une poignée de tubes en puissance, comme le single Laura, les Scissor Sisters se sont imposés grâce à des concerts-performances, capables d’égaler en inventivité les regrettés Islandais de Gus Gus. Nous pouvons seulement souhaiter qu’ils ne fassent pas d’émules chez nous : un mélange de Gilbert Montagné, Chagrin d’Amour et Patrick Juvet serait absolument indéfendable.