L’art ou la vie
Le 1er février 2006
Entre réel et reconstitution du réel, la vie quotidienne à la prison des Baumettes. Un film atypique, tourné par les détenus.
- Réalisateurs : Joseph Cesarini - Jimmy Glasberg
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
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– Durée : 1h34mn
Entre réel et reconstitution du réel, la vie quotidienne à la prison des Baumettes. Un film atypique, tourné par les détenus.
L’argument : Dix détenus se filment dans leur cellule, devenant tour à tour cinéastes et acteurs de leur quotidien, en une suite de plans-séquences.
Notre avis : Faut-il parler de docu-fiction pour ce film à la genèse atypique, réalisé par des détenus de la prison des Baumettes à Marseille, dans le cadre des ateliers mis en place par l’association Lieux Fictifs ? Difficile à déterminer, tant la frontière entre les deux genres est ici ténue et peu aisée à repérer par des yeux spectateurs. C’est d’ailleurs là l’originalité principale de ce travail. Les détenus, tenant le rôle de filmeur ou de filmé selon les instants, mettent en scène leur quotidien. Ce qui ferait pencher davantage vers une fiction car tout ou presque, du décor reconstitué aux déplacements dans l’espace, est travaillé et organisé. Pas vraiment de "pris sur le vif" donc dans ce film qui nous dit les souffrances de la vie en prison et l’incapacité à les rendre par les mots. Pourtant, les acteurs, s’ils sont criants de vérité, ne doivent sans doute pas cette justesse à leur talent de comédiens, pas seulement du moins. Le spectateur non averti de la "supercherie" croira à la spontanéité des séquences.
Or, cette impression est, semble-t-il, davantage due au fait que les auteurs du film eux-mêmes sont parvenus à rendre leur vérité, au travers de l’évocation de souvenirs, de réflexions sur leur condition mais aussi plus générales (sur l’amour, la religion). Dans le silence ou l’hyperbole, dans le maniement varié de la caméra également, chacun se raconte, parfois par le refus même de se raconter. On en vient par moments à en oublier le lieu où ces saynètes ont pris place, lorsqu’il nous est rappelé au détour d’une prise de vue nocturne laissant percer la violence qui lui est immanente : celle du paysage visible depuis la cellule, c’est-à-dire du bâtiment pénitentiaire d’en face. Un patchwork de bruits et de solitudes qui donne à voir, sans intervention extérieure décelable, et qu’un montage en fonction des thèmes (l’arrivée en cellule, la prise de contact entre détenus, la cohabitation, l’exaspération due à cette cohabitation, le dégoût d’une justice jugée expéditive) permet d’ordonner de façon "vivante", ou plutôt cinématographique. Entre réel et reconstitution du réel, ce film revisite l’idée d’une vie qui imiterait l’art mais encore d’un art qui créerait la vie là où elle n’est plus.
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