Rentrée littéraire 2025
Le 21 août 2025
- Auteur : Lydie Salvayre
- Collection : Pavillons
- Editeur : Robert Laffont
- Genre : Autobiographie
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 4 septembre 2025
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
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Un autoportrait qui joue clairement des codes du genre, où l’autrice se révèle davantage dans le style que dans ses anecdotes. En choisissant de raconter son processus d’écriture, elle écrit une nouvelle fois sur l’époque et sur son fil de vie : la littérature.
Résumé : Lydie Salvayre, distinguée par de nombreux prix littéraires dont le Goncourt, répond à la commande de son éditeur de faire son autobiographie. De nature discrète, elle accepte le défi en restant fidèle à son style synthétique et percutant.
Critique : La tentation est grande de démêler le vrai du faux en lisant une autobiographie, spécialement lorsqu’il s’agit d’une personne contemporaine. Mais Lydie Salvayre choisit de faire un pied de nez à la manie moderne du voyeurisme, au culte de la transparence, à l’injonction de se raconter. Si le lecteur s’attend à une histoire linéaire, aux chapitres courts, racontant les étapes de sa vie, il se trompe. Ce que propose cette lecture, c’est un dialogue sur la littérature, avec sa jeune voisine, Albane, archétype de la célibataire qui lit des romances, rêve du grand amour, et travaille dans une entreprise où elle ne se sent pas considérée. Cette amitié constitue la colonne vertébrale du livre, dont on ne sait s’il s’agit d’un récit, ou d’une construction habile.
Dans leurs dialogues, Albane conseille notre sujet, l’incite à adopter les codes des lectures qu’elle connaît, l’exhorte d’avoir un vrai méchant et d’intenses émotions. Si Lydie joue le jeu des étapes de construction littéraire, elle contourne ces recommandations, fidèle à ce qu’elle est, simple et aiguisée. Nous recevons donc des épisodes plutôt qu’un récit, de rares moments de vie et surtout peu de personnages, peu d’intrigue, comme si la seule façon de respecter sa quiétude était de ressentir plutôt que de se raconter, d’aller vers l’universel plutôt que l’intrinsèque.
Bien sûr, elle nous parle de son identité, mais seulement à travers ses parents. Elle veut raconter sa perception qu’elle a de son père, de sa mère, de ses parents dont elle a eu honte étant enfant, car modestes, car réfugiés espagnols, car peu diserts sur l’expression de leurs sentiments.
Ce père d’abord, qui ne semble avoir aucune qualité, travailleur au cœur aride, colérique et tyrannique sous son toit. Ce père qu’elle a haï avec ses sœurs, allant jusqu’à souhaiter sa mort, aveu livré avec une honnêteté déconcertante, en réponse à la violence des mots qu’elle a pu recevoir dans son jeune âge. Malgré tout, ce père revient de façon récurrente, jusqu’à un chapitre saisissant sur un épisode récent, lors du Festival Arte Flamenco à Mont-de-Marsan. Tout à coup, un chant andalou, qu’elle a tant haï dans son enfance, la transperce d’une émotion implacable. Et si ce père, en imposant cette musique encore et encore, criait lui aussi intérieurement ?
Et la dureté qu’elle a ressentie durant toute sa jeunesse de la part de ses parents s’applique désormais à elle-même.
Dès la première phrase du livre, Lydie Salvayre se décrit comme « vieille et moche ». La crudité de ses mots assoit la concision qui fait son style, que l’on retrouve dans l’ensemble de son œuvre. Le temps de l’écriture de ce livre en témoigne : il est le fil rouge de cet autoportrait, comme si le seul témoignage qu’elle acceptait de livrer était celui de son processus littéraire, sans rebondissements, sans linéarité. Parfois, elle nous laisse des idées écrites en vrac, parfois des anecdotes, jamais de portraits, hormis Albane dont elle a besoin pour trouver la transcendance. Cet autoportrait n’est par ailleurs pas le premier du genre qu’elle propose, puisqu’en 2009, elle écrit BW, pour son compagnon, où elle transcrit alors les confidences de son sujet, cité ici simplement comme « Bernard », familier, mais qui reste dans son intimité non littéraire.
« J’écris entre deux langues », confie-t-elle, à la fois cultivée, parfois hautaine, et celle de la rue, de l’époque, des pensées simples. Mais ses deux langues, ce sont celles héritées de ses parents, le « fragnol » qu’elle qualifiait elle-même de « bras d’honneur à la langue dominante » lorsqu’elle sortait Pas pleurer Goncourt 2014. Et dans ce livre, ce sont les clés pour comprendre son œuvre qu’elle nous donne, car il n’est question que de cela, de son travail, de ce monde dans lequel elle a soif de tout explorer, la littérature.
Cette Littérature avec un grand L, elle en ressent à la fois une grande déférence et une volonté de la dompter. Cela explique peut-être comment elle y est venue tardivement, en parallèle d’une carrière professionnelle de psychiatre, où elle tentait déjà de comprendre les affres de la nature humaine.
P107 : « N’as-tu pas compris que ce n’était qu’en faisant face au noir et à la nullité des choses que la lumière pouvait se concevoir ? »
Pour écrire, il faut une matière sombre, un sujet qui va s’éclairer, et c’est ce qu’elle tente de nous livrer dans cet autoportrait à l’encre noire. « J’écris parce que je ne sais pas parler », affirme-t-elle. En tout cas, elle s’exprime et à travers elle, un regard sur une vie de celle qui a cherché à comprendre les émotions de son enfance, son refuge littéraire, son appel de l’écriture.
224 pages
20 €
13,99 € epub
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