Le 20 août 2025
Quand le langage des fleurs et de la faune révèle celui de l’amour et du désir, survient ce film sur les écrans, comme un hommage à l’émancipation féminine et de surcroît au Canada.
- Réalisateur : Lyne Charlebois
- Acteurs : Sylvie Moreau, Alexandre Goyette, Mylène MacKay, Rachel Graton, Francis Ducharme, Marianne Farley, Vincent Graton, Alexa-Jeanne Dubé
- Genre : Drame, Biopic
- Nationalité : Canadien, Québécois
- Distributeur : Destiny Films
- Durée : 1h39mn
- Date de sortie : 20 août 2025
- Festival : Festival d’Angoulême 2024
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Résumé : Dans les années 1930 au Québec, le frère Marie-Victorin, surtout connu comme fondateur du Jardin botanique de Montréal, se lie d’amitié avec son étudiante Marcelle Gauvreau, qui deviendra sa collaboratrice. Alimentée par un amour de la religion et une fascination envers la nature et la science, leur relation évoluera en un échange épistolaire, dans lequel ils explorent les désirs.
Critique : Il fallait le film de Lyne Charlebois pour prendre connaissance du destin assez exceptionnel de cette institutrice et botaniste québecoise du début du XXe siècle, Marcelle Gauvreau, dont la correspondance avec son mentor Marie-Victorin dresse un tableau, totalement avant-gardiste pour l’époque, des bienfaits de l’amour charnel. Dis-moi pourquoi ces choses sont si belles s’inspire d’ailleurs d’une citation de la naturaliste elle-même, dont on apprend en fin de film, qu’en dépit de sa très grande modernité et de son talent de chercheuse et d’écrivaine, elle n’est jamais parvenue à gagner guère plus qu’une secrétaire. Mais qu’on ne se trompe pas, il ne s’agit pas d’un biopic, ou d’une œuvre sociale, mais d’une réinvention de la correspondance très littéraire entre les deux personnages dans un langage cinématographique empreint de poésie.
Car le long-métrage prend un soin considérable à offrir des images d’une très grande beauté où la nature est montrée sous ses meilleurs jours. Les plans fixes de fleurs, ou les plans plus larges de paysages marins ou forestiers, témoignent en contrepoint des impressions poétiques de la narratrice et de son professeur, le frère Marie-Victorin. La réalisatrice montre, autour de leurs liens épistolaires, des relations qui approchent l’amour courtois au Moyen Âge ou celui décrit dans les œuvres de Platon. Tous les deux parlent de sexualité, sans jamais la pratiquer, alors que la nature révèle des fleurs ou des plantes qui semblent de parfaites illustrations du texte issu de leurs correspondances. De façon plus complexe, la réalisatrice mélange les époques, en cultivant tour à tour l’ambiguïté entre le réel et la représentation cinématographique de la cette réalité.

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Dis-moi pourquoi ces choses sont si belles a une portée littéraire dense assumée. La cinéaste donne la possibilité aux acteurs de lire la correspondance entre les deux protagonistes. La langue est très belle, très épurée, tout en permettant, du moins pour l’époque, d’offrir aux femmes notamment des espaces d’apprentissage sur les mystères de la vie sexuelle et affective. D’ailleurs, Marcelle va à la rencontre d’épouses, de femmes célibataires pour les faire parler sur leur sexualité. Si la plupart d’entre elles n’osent pas entrer dans ce qu’elles jugent relever du tabou ou de l’intimité, celles qui s’expriment donnent à penser que nous-mêmes, spectateurs du XXIe siècle, sommes bien loin d’une parole émancipée sur ces sujets. On apprend d’ailleurs que le Canada, à travers notamment sa capitale Montréal, était aussi peu convaincu encore de sa souveraineté scientifique et intellectuelle et que le pays nord-américain avait besoin de faire venir des spécialistes pour gagner en légitimité.
Le cinéma a besoin de se nourrir de belles images comme celles de Dis-moi pourquoi ces choses sont si belles qui justifient que le format télévisuel a une puissance émotionnelle inférieure à celle du cinéma. Le film brouille, dans ces allées et venues temporelles, la ligne entre le réel et la représentation cinématographique de la réalité. Certes, le procédé du cinéma dans le cinéma est très courant, l’un des exemples les plus célèbres étant La nuit américaine de Truffaut (1973), mais il apporte ici une dimension poétique supplémentaire. Lyne Charlebois se plaît à égarer son spectateur dans un univers où il ne retiendra que la sensualité insufflée par les mots et les photographies florales.

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C’est toujours heureux à l’heure des radicalités en tout genre que l’art s’amuse à détourner les codes moraux. Le scénario joue sur l’ambivalence des sentiments entre le professeur de botanique et son étudiante, dans ces échanges épistolaires sur les choses de l’amour. En même temps, on pressent chez l’héroïne un renoncement profond en faveur d’une vie sexuelle, sans pour autant endosser le voile de religieuse. Ce renoncement pèse d’ailleurs sur elle de façon indélébile, la rattachant alors à l’émotion que génère la contemplation d’un paysage ou d’une plante.
Dis-moi pourquoi ces choses sont si belles prend la forme d’un roman dans la pure tradition des livres romantiques du XIXe siècle. D’ailleurs, le générique se clôt sur un célèbre poème d’Arthur Rimbaud, chanté, qui fait honneur à la littéralité du propos général. Ce sonnet est lui-même un hommage à la nature à travers les yeux de l’innocence et de l’adolescent charnel qu’il était aussi.
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