Driving Mum - Hilmar Oddsson - Critique

Critique : Le film de Hilmar Oddsson, avance à son propre rythme, avec une délicatesse rare et une poésie singulière. L’histoire de Jon, homme d’âge mûr qui traverse l’Islande avec le corps de sa mère décédée sur la banquette arrière, est autant un road movie improbable qu’une exploration introspective, où chaque détour semble résonner comme une étape vers une forme de rédemption.

Dès les premières scènes, le ton est donné. Oddsson nous plonge dans l’intimité d’un quotidien minimaliste : celui d’un homme et de sa mère, un duo figé dans un rituel immuable où le tricot, l’écoute de vieilles cassettes et la discussion banale tiennent lieu de lien indéfectible. La disparition brutale de la mère fait basculer le film dans une absurdité teintée de douceur. Lorsque Jon maquille sa mère, l’assoit à l’arrière de sa voiture et embarque son chien Brejnev pour entreprendre ce voyage insolite, c’est tout un univers en demi-teinte qui s’ouvre au spectateur.

Le choix du noir et blanc n’est pas anodin : il renforce l’ambiance nostalgique qui imprègne chaque plan, qu’il s’agisse de somptueux paysages islandais ou de l’intérieur vétuste de la voiture. Cette esthétique épurée reflète aussi la modestie des personnages, leur simplicité touchante, leur lutte constante pour donner un sens à une existence morne.

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La force de Driving Mum réside dans son approche subtile de la mémoire et du deuil. Tandis que Jon avance sur cette route qui semble n’en finir jamais, sa mère, bien que morte, ne le quitte pas. Elle revit dans son esprit, l’accompagne, le guide. Grâce à l’album photo qu’il emporte avec lui, des fragments de vie refont surface : parmi eux, des souvenirs d’une relation amoureuse passée qui, à ce jour encore, hante Jon.

Oddsson parvient à instaurer une atmosphère décalée, où les souvenirs se mêlent à la réalité de façon presque surréaliste. Jon, éternellement impassible, capture ces moments étranges à travers son appareil photo, comme s’il tentait d’enregistrer une vérité insaisissable. Ces rencontres imprévues sur la route, entre rêve et réalité, donnent au film une poésie singulière qui pourrait déconcerter un spectateur non averti.

L’ambiance musicale contribue également à l’atmosphère unique de Driving Mum. Elle accompagne délicatement chaque scène, accentuant les émotions sans jamais les surcharger. Cependant, la douceur du film, si précieuse à son identité, se transforme parfois en longueur. Les nombreux détours pris par le récit peuvent désorienter, voire frustrer par moments. L’intrigue avance par à-coups, et il arrive que le spectateur se demande ce que le film cherche vraiment à raconter. Pourtant, la fin prend une tournure inattendue qui est une véritable bouffée d’air frais, appréciable et surprenante. Elle redonne du souffle à un récit qui, malgré sa lenteur assumée, trouve ici une conclusion qui résonne avec sincérité.

Malgré ses hésitations narratives, Driving Mum reste une expérience cinématographique profondément sensorielle et introspective. Hilmar Oddsson signe une œuvre qui, sous sa légèreté absurde, interroge le sens du deuil, la quête d’identité, et la manière dont le passé finit toujours par nous rattraper.