La critique : Pour les peintres d’inspiration réaliste que sont ceux du 19ème siècle, la lumière a pris une importance égalant le sujet puisqu’ils sont davantage attachés à restituer une ambiance qu’au réalisme du rendu. Ils souhaitent donner des sensations aux spectateurs, tout en respectant l’authenticité de leurs sujets. Toute la difficulté est d’émouvoir avec le vrai. C’est l’avènement de la peinture naturaliste d’un côté et des mises en scène de sujets populaires de l’autre. Skagen est une langue de terre bordée de toute part par la mer du Nord, en face de la ville Göteborg. En été, les journées durent plus que sous nos latitudes. Kroyer sait qu’il tient là une synthèse unique, qui peut permettre à la fois les scènes de plage, de pêche, mais qui, par son paysage et sa lumière, recèle également un onirisme naturel. Cette heure bleue dont l’éclairage est en demi-teinte baigne les sujets de sa couleur, elle unit plus que le contraste d’un zénith méditerranéen.

Peder Severin Krøyer "Soirée calme sur la plage de Skagen, Sønderstrand (Anna Ancher et Marie Krøyer marchant)", 1893 - Skagen, Skagen Kunstmuseer © Art Museums of Skagen

Le plein air sert souvent d’atelier, à la française. On va au sujet, on installe la toile face à ce qu’on peint, pour en saisir la lumière et la photographie qu’ils pratiquent tous en parallèle fige les compositions et les intensités lumineuses. Kroyer peint la promenade nocturne sur la plage qui est au départ un de ses clichés. La lune pâle a des airs de soleil de nuit, des enfants se baignent jusqu’à tard, deux femmes devisent en marchant au bord de l’eau. L’humanité est encore, à cette époque, un sujet qui continue de toucher les nombreux amateurs de ce style qui collectionnent ses reproductions sur Internet. Un déjeuner festif dans la nature, une femme qui prend du repos à l’ombre d’un arbre, des pêcheurs rentrant au port, voilà qui plaît au bon sens, après les errances indigentes de l’art contemporain américain.
La mise en page et les commentaires du catalogue servent bien cette œuvre, cette manière de faire de l’art qui déplut tant aux années 80. A chaque époque, ses croyances. A chaque époque, le désir d’en raviver une qui la justifie, souvent contraire à la précédente. Cela s’appelle la mode, cela sert avant tout la marchandisation et à exalter la médiocrité des créatifs.
Grâce à cet ouvrage et cette exposition, on peut apprécier avec le recul, ce travail pour ce qu’il est et profiter de la plage de Skagen, à l’heure bleue.
A voir et à lire, bien entendu.