Le 26 novembre 2024
- Scénariste : Sylvain Ferret >
- Dessinateur : Sylvain Ferret
- Collection : Terres de Légendes
- Genre : Aventure, Fantastique, Histoire
- Editeur : Delcourt
- Famille : BD Franco-belge
- Date de sortie : 23 octobre 2024
Une histoire de la violence, entre drame chevaleresque et fable fantastique.
Résumé : Alors qu’il revient de la croisade, le chevalier Pierre de Brume découvre les terres de son père en friches, et une attaque de brigands le coince entre la vie et la mort... C’est une guérisseuse aux airs de sorcière qu’il connaît bien qui va lui donner une nouvelle chance...
Critique : Avec Métamorphoses 1858, Sylvain Ferret avait apporté une touche de poésie subtile à un thriller/policier entre steampunk et fantasy. Pour ses Mémoires de Gris, le changement de ton et d’espace est complet : ses personnages, un chevalier qui souffre de ce que l’on nommerait PTSD et une guérisseuse finalement pas loin de la sorcière, se meuvent dans un univers qui oscille entre un historique très réaliste et la frange fantastique d’un conte du Graal version gothique. Pour être plus précis, il faudrait revenir à ce que proposait par exemple Hermann dans Bois-Maury pour retrouver une telle puissance de réalisme, à savoir que ses personnages sont sales, laids, touchés par les maladies et les perversions, à l’image de la société qu’elle a dû être (et qu’elle peut malheureusement être encore aujourd’hui), des lieux avec des champs non labourés et des chaumières usées, faute de bras pour les entretenir ou relever, des gibets et des geôles, des récits qui s’imbriquent à cause de la violence et non pas du destin, des rebelles qui se dressent faute de pain plutôt que de causes à défendre. Il y a un peu d’un Robin des Bois qui serait proche de la réalité, avec cette bande de hors-la-loi, un peu d’un Ivanhoé qui ne serait jamais revenu intact de ses voyages, un peu aussi de ce Sigurd d’Hermann, puisque le fantastique va finalement s’inviter dans une histoire qui n’en avait pas forcément l’objectif. On reste étonné, presque brutalisé par ces hommes, ces femmes qui ont vécu une horreur protéiforme, qui dérange le lecteur, qui pervertit certains personnages secondaires ou principaux, qui montre qu’elle est un cycle qu’il est difficile de briser, et donc une leçon universelle et ici artistique.
© Delcourt / Ferret
Il faut le dire à nouveau, le cadre de cet album est à l’image de son titre : des souvenirs et des images souillés, des lieux et des visages creusés par la peste ou la variole, des regards qui portent des paroles sourdes et des bras qui portent des armes tranchantes... Le gris enveloppe le tout comme un linge sale, fatigué qui donnerait à chaque page une lourdeur du passé. Mais il y a pire : quand le sang se mêle à cela, ou quand des yeux brillants font irruption, quand des ailes se déploient, c’est que la violence va s’exprimer, et alors on regrette le temps où seule une chape de gris, qui se dilue admirablement dans un vert forêt et un bleu de minuit, enveloppait les différentes planches. Au milieu, des rares souvenirs semblent devoir dire qu’un peu de bonheur et d’harmonie étaient possibles, mais ils sont eux aussi noircis au bout d’un moment, comme sacrifiés par une oeuvre qui ne voulait pas laisser de place à l’espoir.
© Delcourt / Ferret
Tragédie en plusieurs actes, dans un Moyen-Âge que les films et les documentaires rechignent à présenter, ces Mémoires de Gris sont un récit dévorant, crispant et aussi terriblement contemporain, en dépit de son caractère fantastique, car il transcende tous les genres et toutes les influences qui le composent.
240 pages – 29,95 €
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