Le 12 février 2025

- Chanteur : Grégory Privat
- Compositeur : Grégory Privat
- Genre : Jazz
- Plus d'informations : Le site de Grégory Privat
Suite à sa prestation intimiste en solo à l’Écrin de Talant, nous avons pu avoir un entretien avec Grégory Privat, pianiste de jazz solo envoûtant avec brio.
Le mercredi 22 janvier 2025, le pianiste de jazz Grégory Privat nous a fait voyager dans un univers musical très riche et ouvert sur le monde et les autres. Suite à cette prestation intimiste en solo à l’Écrin de Talant (Côte d’Or), il a accepté de s’entretenir avec nous par phoner avec une infinie gentillesse.
aVoir-aLire : Alors on va remonter un petit peu dans votre biographie si vous le voulez bien ?
Grégory Privat : D’accord.
aVoir-aLire : Vous avez baigné dans la musique dès votre enfance en Martinique. Avez-vous vécu l’apprentissage de la musique au départ comme une contrainte ou d’emblée comme un émerveillement ?
Grégory Privat : Je pense que je vais prendre la deuxième réponse, l’émerveillement, parce que ça me vient tout simplement de mon père, José Privat, qui est pianiste également d’un groupe qui s’appelle Malavoi. Il s’agit d’une formation populaire aux Antilles et c’est aussi un grand fan de jazz donc c’est pour ça que j’ai grandi vraiment dans cet environnement musical très tôt et le voir à l’œuvre tout le temps m’a vraiment donné envie tout naturellement de faire un peu comme lui. De jouer du piano et puis après effectivement lui est autodidacte donc j’ai pris des cours avec un autre professeur de classique mais c’est vrai que voilà c’était naturel.
aVoir-aLire : Et pourquoi après dix ans de piano classique justement c’est le jazz qui va prendre le dessus ? Quels ont été les atouts séduction du jazz ? Qu’est-ce qui vous a séduit dans le jazz ?
Grégory Privat : Je pense que le jazz avait déjà pris le dessus parce que depuis le début, avant même de prendre des cours, j’avais une très bonne oreille et j’essayais de refaire ce que j’entendais à la radio sur le piano. Donc, c’est sans partition en fait, ce qui me permettait un peu plus tard de vouloir composer ma propre musique. Ainsi, j’ai toujours voulu être libre sur l’instrument et le jazz permet cette liberté notamment avec l’improvisation. Le classique m’a permis d’appréhender techniquement l’instrument c’est-à-dire de savoir effectivement travailler son toucher, travailler la vélocité aussi. Mais pour tout ce qui est au niveau créatif, c’est vraiment le le jazz qui m’a permis de de me développer.
aVoir-aLire : Vous débarquez à Toulouse pour vos études d’ingénieur en 2004. Quels souvenirs de la ville rose restent gravés dans votre mémoire ?
Grégory Privat : Toulouse pour moi a représenté au départ un déracinement parce que je suis de la Martinique et j’ai grandi jusqu’à vingt ans là-bas. Je vais à Toulouse pour faire les classes préparatoires. Cela dure deux ans mais c’est suffisamment intense pour aspirer à rentrer. J’intègre une école d’ingénieurs en télécommunications, j’obtiens un diplôme. Mes parents étaient un peu exigeants mais j’avais aussi la chance d’être bon en sciences. Mes parents m’avaient un peu inculqué que la musique, c’est super mais ça ne garantit pas de nourrir son homme.
aVoir-aLire : Je ne sais plus quand vous montez à Paris mais cela est-il toujours un passage obligé pour réussir ? Est-ce que la magie a opéré pour vous dans la capitale ?
Grégory Privat : Je pense que oui en fait mais déjà le fait d’être à Toulouse et de sortir le soir pour aller en jam session rencontrer des musiciens, en plus de ce que je faisais la journée à l’école d’ingénieur... Puis à Paris, j’ai commencé à travailler mais j’ai toujours voulu effectivement après après mon boulot aller en jam session rencontrer les musiciens aussi. À Paris, c’est un tout autre niveau, c’est-à-dire qu’il y avait des musiciens internationaux extrêmement doués. Cela m’a motivé pour améliorer mon niveau.
aVoir-aLire : Justement à l’âge de vingt-sept ans, vous plaquez tout pour le jazz quoi. Est-ce qu’il est important pour vous d’aller jusqu’au bout de ses rêves en général ?
Grégory Privat : Complètement, vous n’avez aucun regret. Je me souviens avoir demandé beaucoup d’avis extérieurs pour choisir justement : est-ce que j’allais ou non franchir le pas ? Je demandais leur avis aux musiciens et aussi à mes collègues de boulot mais souvent je pouvais avoir deux retours opposés. Je pense que c’est vraiment un choix qui est solitaire, comme tous les choix d’ailleurs. Mais il se trouve que lorsqu’on est vraiment passionné, qu’on arrive à combiner la foi en ce qu’on veut devenir et le travail nécessaire, mon choix a été le bon. Parce que ça donne vraiment aussi une autre vision de sa vie. En fait, finalement, même spirituellement aujourd’hui, je sais vraiment pourquoi je travaille même quand il y a des choses difficiles. Je travaille pour moi et c’est pour cela que je pense que tout être humain doit poursuivre des rêves.
aVoir-aLire : Vous avez une discographie très riche en fait. Donc je voulais vous demander si, parmi votre discographie de dix albums comme leader (de Ki Koté en 2011 à Phoenix en 2024), il y a un disque dont vous êtes le plus fier ?
Grégory Privat : Je suis assez fier de tous mes albums et assez content de tout ce que j’ai pu réaliser. Après, c’est vrai que ils sont tous différents parce que je les considère comme des photographies de moi un instant donné, mais il y a beaucoup d’évolution. Je pense que si on écoute le premier album et le dernier album, on se demande si c’est vraiment le même artiste mais il y a effectivement un fil conducteur. Si je dois choisir un album qui a une histoire particulière, je dirais en termes de fierté à mettre entre guillemets : Soley. C’est un album que j’ai réalisé en 2020 quatre ans après l’album d’avant qui est sorti en 2016 sur un gros label allemand qui me garantissait une certaine sécurité et puis une certaine mise en lumière surtout en Europe. Le label a cependant voulu modifier ma musique entre autres. Du coup, j’ai préféré monter mon label qui s’appelle aujourd’hui Buddham Jazz et aujourd’hui je suis assez fier de ça pour avoir le contrôle de ma créativité.
aVoir-aLire : Quelle est la plus belle des consécrations pour vous : la reconnaissance de votre père et ou celle du public ?
Grégory Privat : Les deux reconnaissances sont importantes. J’ai eu la chance de pouvoir travailler avec mon père sur son nouvel album. La reconnaissance de son père et sa confiance également, c’est quelque chose de très fort. Pour ceux qui ne le connaissent pas, mon père s’appelle José Privat. Après, la reconnaissance du public est importante. J’ai toujours essayé d’être un excellent jazzman, c’est-à-dire de travailler mon instrument. Aujourd’hui, je trouve que la relation avec le public a encore plus de sens en fait, c’est-à-dire qu’aujourd’hui je ne pense pas forcément en termes de style de musique mais en termes émotionnel. L’exigence musicale est toujours présente mais la première condition, c’est faire en sorte que les spectateurs ressentent quelque chose lorsqu’ils viennent voir le concert. L’impact que cela peut avoir sur la vie des gens, pour résumer.
aVoir-aLire : Vous savez tisser un lien avec le public avec des introductions ou transitions rigolotes pour amener un morceau. Vous pourriez presque faire du stand-up, non ?
Grégory Privat : J’aime particulièrement avoir le micro et juste parler en fait au public à un moment donné, même si je c’est pas vraiment ce que je suis venu faire au départ. En tout cas quand je prends un petit peu le temps de m’exprimer et de m’adresser au public, j’aime bien ce lien et utiliser l’humour. Il y a un truc qui se passe, que je trouve intéressant en fait.
aVoir-aLire : Vous respectez profondément vos ancêtres. Vous leur rendez hommage dans certaines chansons. Il y a de la spiritualité chez vous, non ?
Grégory Privat : Oui, exactement. En fait ma musique aujourd’hui est très connectée à la spiritualité pour la simple et bonne raison qu’aujourd’hui j’ai quarante ans. On se pose davantage la question du sens de la vie en fait et à cette question est liée celle de la mort : qu’est-ce que c’est et comment ça se passe ? Qu’est-ce qui se passe après ? Et les gens qu’on a connus, où sont-ils en fait ? En tout cas, ce sont des croyances que j’ai et je pense que mes ancêtres sont avec moi et ils veillent sur moi. Ce n’est pas quelque chose à sous-estimer en tout cas. Je ne conçois pas forcément la mort comme une fin brutale mais comme une continuité. Effectivement, je leur rends hommage à travers la musique.
aVoir-aLire : Vous avez choisi de vous focaliser sur le piano solo depuis l’album Yonn en 2022. Se consacrer au piano solo exclusivement, est-ce une rupture ou une continuité dans votre carrière ?
Grégory Privat : C’est une continuité ou une rupture. En fait, c’est un peu les deux. C’est une rupture dans le sens où Yonn est le premier album où je suis tout seul. C’est une continuité dans le sens où j’ai toujours aimé jouer seul depuis que je fais de la musique. Toutes mes compositions, je les crée seul, au piano. C’est un exercice qui n’est pas facile donc tous les pianistes n’aiment pas forcément cela, mais pour ma part c’est quelque chose que j’adore vraiment.
aVoir-aLire : Alors, à un néophyte, à quelqu’un qui ne connaît pas grand-chose en termes de jazz, que diriez-vous pour l’inciter à vous écouter chez lui ou à venir vous voir sur scène ? Quels arguments vous avanceriez pour essayer de convaincre ?
Grégory Privat : C’est une très bonne question parce que je me pose pas beaucoup cette dernière. La musique, je la conçois comme de l’entertainment. En fait, c’est vraiment cette ambition de faire une musique qui peut plaire à tout le monde, une musique qui peut émouvoir aussi en fait et a toute une palette d’émotions. Je vais partir plutôt des témoignages reçus et les gens qui viennent à mes concerts me me disent qu’ils ressortent vraiment avec une avec une pêche et une envie. Il se sentent bien, vraiment. C’est presque comme une sorte de médicament.
aVoir-aLire : Une dernière question concernant le Phoenix Tour. Vous l’avez commencé il a quelques temps, il y a beaucoup de dates en France et Europe. Vous pouvez nous en parler ?
Grégory Privat : Oui. Il y a alors effectivement pas mal de concerts qui arrivent et la date à ne pas manquer est surtout le New Morning, le 18 avril 2025, donc ce sera un peu une date symbolique.
aVoir-aLire : Un grand merci pour ce moment de partage et une très belle année 2025 à vous. À bientôt.
Propos recueillis par Éric Françonnet
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