S’il fallait chercher un point commun aux personnages de ce recueil de nouvelles, ce serait sans aucun doute la facilité déconcertante avec laquelle ils ratent ce qu’ils entreprennent. Ces paumés, déconnectés du monde, possèdent une manière unique et très personnelle de s’attirer les pires emmerdements alors qu’ils n’ont rien demandé. Bien sûr, vous me direz qu’il n’y a pas de quoi rire... Eh bien si pourtant ! Non seulement parce que Tibor Fischer fait tout pour les rendre encore plus ridicules, mais aussi parce que, c’est bien connu, le malheur des autres possède toujours quelque chose d’assez jouissif.

Ils flirtent avec la trentaine, habitent Londres, ne savent plus très bien où en est leur vie, tournent perpétuellement en rond. Et l’amour, n’en parlons pas ! Célibataires, soit totalement à côté de la plaque, soit accumulant les conquêtes d’un soir... Pas de juste milieu mais jamais d’harmonie non plus...

Alors on se délecte en lisant les péripéties de Jim, informaticien londonien à la dérive, qui s’accorde une courte période de vacances sur la côte d’Azur. Le pauvre vieux les accumule. Non seulement il est crevé, non seulement il pleut, mais en plus il se retrouve hébergé sous le même toit que son ennemi juré ! Ceux qui sont sensibles à l’humour de Philippe Jaenada apprécieront sûrement la nouvelle ouvrant le récit, Qui a mangé le chef ?, illustrant parfaitement les lois de Murphy et la théorie de l’emmerdement maximum. Quand ça veut pas, ça veut pas !

Et le pire, c’est qu’on finit par les trouver attachants tous ces loosers, presque attendrissants... Et qu’on se demande pourquoi ils méritent de recevoir autant de couteaux dans le dos ! La morale ne permet pas de s’en tirer, c’est même tout le contraire. Pour être entendu, pour parvenir à capter l’attention, il faut braver les interdits, faire dans l’original. Ainsi de Miranda, cette comique ratée, qui ne fait rire personne et qui, pour défendre la cause d’artistes birmans, décide d’escalader la colonne de Nelson totalement nue. Même chose pour cet artiste peintre s’imaginant tueur en série pour être remarqué par un directeur de galerie.

Dommage que certains textes soient un peu moins réussis que d’autres. Les deux nouvelles ouvrant et fermant l’ouvrage, les deux plus longues, sont aussi les plus abouties. Sans doute parce que l’auteur prend le temps de fignoler ses personnages, de les mettre dans des situations extrêmes et impossibles, et de leur appuyer des deux mains sur la tête pour les enfoncer définitivement. En tout cas, l’humour de Tibor Fischer est percutant. Son sens de l’observation, les petites manies de ses anti-héros, tous ces éléments font de cet ouvrage un plaisant recueil de nouvelles. Et franchement, avec un titre pareil, qui ne serait pas tenté d’y plonger le nez ?