Le 15 avril 2025
Une chronique attachante sur le décalage entre le mode de vie d’un vieux couple et les contraintes de la modernité, d’autant plus que recommandable que le cinéma en provenance de l’Ouzbékistan n’encombre pas les écrans.


- Réalisateur : Shokir Kholikov
- Acteurs : Abdurakhmon Yusufaliyev, Roza Piyazova, Rano Sharipova, Nasrullo Nurov
- Genre : Drame, Film pour ou sur la famille, Chronique familiale
- Nationalité : Ouzbek
- Distributeur : Carlotta Films
- Durée : 1h37mn
- Titre original : Yakshanba
- Date de sortie : 16 avril 2025

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– Année de production : 2023
Résumé : Un couple de paysans âgés vit paisiblement dans un petit village de la campagne ouzbek où il travaille la laine. Peu à peu, son existence se voit bouleversée par les sollicitations de ses deux fils, qui insistent pour faire pénétrer la technologie chez eux malgré leurs réticences – et avec une idée derrière la tête : démolir la vieille maison qu’ils habitent pour en construire une nouvelle, afin que le plus jeune fils, ayant réussi à l’étranger, puisse en faire sa résidence secondaire...
Critique : Les récits mettant en exergue les vicissitudes d’un couple de personnes âgées ont parfois débouché de beaux moments de cinéma, de Place aux jeunes (1937) de Leo McCarey à Promesse (1986) de Yoshishige Yoshida, en passant par Voyage à Tokyo (1953) de Yasujirō Ozu. Dimanches s’inscrit dans cette lignée et il peut paraître surprenant qu’un cinéaste à peine trentenaire, dont il s’agit du premier long métrage, se soit intéressé à ce thème. Né en Ouzbékistan, Shokir Kholikov a été formé à l’Institut national des Arts et de la Culture de l’État ouzbek en 2014 avant de suivre un master et d’effectuer plusieurs travaux pour la télévision et la radio nationales. Présenté dans plusieurs festivals (Shanghai, Vesoul…), Dimanches suit de près deux vieux agriculteurs retraités pendant deux mois, un jour différent de la semaine rythmant la narration, avec deux dimanches pour entamer et clôturer le récit. Le scénario, écrit par Shokir Kholikob lui-même, ne contient pas d’enjeu fictionnel à proprement parler, à l’exception d’un mini-suspense axé sur les intentions des fils quant à l’avenir de la maison familiale. Contemplatif, composé en partie de plans fixes, Dimanches n’hésite pas à s’étendre sur les banalités du quotidien (travail de la laine, toilette, repos devant la télévision), qui font par instants songer au Jeanne Dielman d’Akerman, avec une durée toutefois plus raisonnable…
- © 2025 Carlotta Films. Tous droits réservés.
L’écriture du film met l’accent sur deux problèmes, universels, mais qui prennent une dimension importante dans un pays où les traditions ancestrales restent ancrées chez certains. D’une part, le fossé intergénérationnel semble évident, avec deux enfants qui ont réussi socialement et ont choisi de vivre dans un cadre urbain, ne nouant avec leurs parents que des rapports matériels, en leur offrant de nouveaux biens d’équipement pour la maison, tout en songer à transformer celle-ci avant même la disparition des actuels occupants. D’autre part, c’est précisément par le biais des enfants que le progrès technique fait irruption dans la vie du vieux couple (lui bourru, elle malicieuse), d’un téléviseur à grand écran dont on peine à manier la télécommande à une carte bancaire dont il faut en connaître le code (dans tous les sens du terme). Ce dernier enjeu donne parfois droit à des moments discrètement comiques, qui émaillent une narration sobre et sans fioritures. Shokir Kholikob précise dans le dossier de presse : « Pour moi, ce récit plonge au cœur de la transformation des générations. Nous sommes témoins des répercussions, de l’afflux d’éléments nouveaux au changement initial des croyances enracinées, marquant un saut vers les normes contemporaines, même dans les coins les plus isolés. Mais ce n’est que la surface du film. En filigrane, ce voyage cinématographique plonge dans la profonde métamorphose de l’esprit humain. Il met en lumière le réseau complexe des échanges – de biens, de générations, d’époques et de domaines intérieurs et extérieurs de l’humanité. »
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Ces intentions louables débouchent sur un joli film, dans lequel le réalisateur n’occulte pas la dimension technique, cohérente avec son approche artistique : en atteste le beau travail de son directeur photo Diyor Ismatov. On pourra certes penser que Shokir Kholikov coche un beau trop les cases du « film de festival », esthétiquement et politiquement correct, avec un réel sens de la mise en scène mais aussi la proposition d’un dispositif que l’on a vu maintes fois au cinéma, de Rossellini à Kiarostami, en passant par Satyajit Ray, et qui peine à impressionner désormais. Mais le talent est indéniable, et le second long métrage du jeune cinéaste révèlera sans doute une fibre plus personnelle. Par ailleurs, le cinéma en provenance de l’Ouzbékistan n’encombre pas nos salles. C’est une autre raison pour découvrir cette œuvre sensible et prometteuse.
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