Le 2 décembre 2025
Un documentaire dont la densité littéraire permet au sujet grave du sida de prendre une dimension artistique puissante sur l’écran de cinéma.
- Réalisateur : Emmanuelle Bidou
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français, Belge
- Distributeur : Les Films des Deux Rives
- Durée : 1h30mn
- Date de sortie : 3 décembre 2025
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Résumé : 1989, j’avais 20 ans quand on m’a annoncé ma séropositivité. Avec Amel, Alice, Nicolas et Eder, mes sœurs et frères « en Sida », nous racontons un bout de cette histoire commune. Une histoire de rage et de désir de vivre, un cri pour enfin sortir du silence.
Critique : Tout est dans le titre. Une nuit, une seule nuit d’amour suffit, d’autant quand l’amant est toxicomane et ne sait pas qu’il est porteur du VIH. Le documentaire d’Emmanuelle Bidou en vient d’ailleurs directement aux faits, après une première scène d’ouverture où on la voit conduire un véhicule, dans une séquence où elle échange avec celui qui lui a transmis le virus. Lui est très maigre, abîmé ; elle est résiliente, et le projet de documentaire devient presque alors une nouvelle raison d’exister.
Tout est dans la nuit donne la parole à une femme, la réalisatrice elle-même. Le sida au cinéma est souvent regardé à travers le prisme d’hommes, homosexuels. Ici, c’est le contraire. Les mots, les gestes sont ceux d’une femme, hétérosexuelle, qui a attrapé le monstre de 16 novembre 1989 alors qu’elle n’avait que vingt ans. Il n’y a pas de rage dans sa voix, de désir de vengeance, seulement le souci d’une femme déterminée à vivre et à montrer au plus grand nombre que le sida ne rime pas avec peste et exclusion. Des photos de l’époque apparaissent, où l’on voit la grâce d’une jeune femme de vingt ans qui ignore que son existence basculera à l’issue d’une seule nuit, et qu’elle devra subir des traitements intenses.

- Copyright Les Films des deux Rives
Tout est dans la nuit emprunte la forme, les mots, le rythme de l’autofiction. Il y a dans la manière de filmer d’Emmanuelle Bidou une délicatesse et une beauté qui rappellent la l’univers littéraire de Christine Angot. La documentariste ne provoque pas : elle se filme qui marche, subit des examens médicaux, côtoie les personnes qu’elle aime. Et dans ce geste de cinéma, elle va à la rencontre de personnes qui elles auss ont contracté le sida. Les témoins se confient à leur médecin, qui les écoute avec une tolérance et une patience admirables. Preuve est faite de ce désir de littérature quand Emmanuelle Bidou lit une page d’Hervé Guibert, et va même jusqu’à intégrer passage un filmé dans lequel l’écrivain montre la vulnérabilité de son corps, déjà presque mort.
Tout est dans la nuit n’est pas un énième film médical. Il s’agit avant tout d’une œuvre qui donne la parole à des malades que le silence confine à la honte. Le film témoigne des avancées de la science, avec ces images de ce qui reste de l’Hôtel-Dieu à Paris, où nombre de sidéens venaient s’échouer dans l’attente de mourir. Elle rend hommage à des grands oubliés comme Jean-Luc Lagarce et son fameux journal, ou Cyril Collard qui a permis à Romane Bohringer de se lancer au grand écran dans le mémorable Les nuits fauves.

- Copyright Les Films des deux Rives
Emmanuelle Bidou, dans sa carrière de documentariste, approche de plus en plus des questions sociales qui offrent à ses personnages un espace d’expression dédié. On pense à ses œuvres sur les exilés qui, d’une certaine manière, font écho à cet exil intérieur que subit chaque personne atteinte par la maladie, a fortiori le sida. Elle rappelle avec beaucoup de pudeur les avancées médicamenteuses qui ont fait passer les malades de l’incurabilité au sursis. Pour autant, on comprend, entre les mots, que les progrès de la médecine ne doivent pas conduire à l’illusion d’une vie éternelle.
Tout est dans la nuit est un film nécessaire, majestueux. Le fait même de filmer les pilules sur la table rappellent la fragilité de l’existence qui peut, du jour au lendemain, être chavirée par un virus mortel. La dignité du propos, la portée littéraire du film, donnent à cette expérience une dimension supérieure.
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