Le 3 décembre 2025
Solaire, sensuel et profondément envoûtant, Mektoub, My Love : Cando due, adapté d’un matériau de François Bégaudeau, marque le retour flamboyant du tant controversé Abdellatif Kechiche.
- Réalisateur : Abdellatif Kechiche
- Acteurs : Hafsia Herzi, Salim Kechiouche, André Jacobs, Shaïn Boumedine, Ophélie Bau, Lou Luttiau, Alexia Chardard, Jessica Pennington, Dany Martial
- Genre : Comédie dramatique, Romance
- Nationalité : Français
- Distributeur : Pathé Distribution
- Durée : 2h14mn
- Date de sortie : 3 décembre 2025
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Résumé : Amin revient à Sète après ses études à Paris, rêvant toujours de cinéma. Un producteur américain en vacances s’intéresse par hasard à son projet, "Les Principes essentiels de l’existence universelle", et veut que sa femme, Jess, en soit l’héroïne. Mais le destin, capricieux, impose ses propres règles.
Critique : Abdellatif Kechiche est un réalisateur de la démesure. Il n’y a pas une œuvre chez lui qui ne visite l’humanité dans toutes ses dimensions. Évidemment, on se souvient de l’immense La vie d’Adèle : chapitres 1 et 2, où les actrices avaient été poussées aux extrémités de ce que leur métier permet. Cette fois, le cinéaste, qui s’inspire d’un matériau littéraire de François Bégaudeau, ouvre une dimension moins physique, moins sexuelle, pour un portrait d’une jeunesse des années 1990, qui pourrait être la sienne quand lui-même cherchait à devenir cinéaste. Amin est le personnage principal d’une déambulation dans les affres d’une jeunesse qui s’aime, quand elle ne ferme pas la page de l’adolescence pour rentrer véritablement dans le monde des adultes.
En ce sens, Mektoub, My Love : Cando due emprunte les variations mélancoliques d’un film initiatique. Tous les personnages sont convoqués à un moment de leur vie où ils doivent renoncer à l’insouciance pour devenir quelqu’un dans la société. Il y a d’abord cet éternel écrivain qui appréhende les images à travers un appareil photo et les mots dans les scénarios, que le hasard met dans les pas d’un producteur américain et d’une jeune comédienne de série, fantasque et lunaire. Mais on assiste aussi un mariage qui se prépare, un avortement secret, et des amours qui se décomposent sous le grand ciel de Sète.

- Copyright Pathé
La tonalité générale du film semble plus apaisée par rapport à la filmographie antérieure de Kechiche. Les dialogues sont nombreux, écrits comme des portes ouvertes sur le cœur de jeunes gens qui s’apprêtent à être balayés dans une autre existence. Il y a, comme toujours chez Kechiche, la musique orientale qui accompagne ces mouvements émotionnels de personnages qui semblent, chacun à leur manière, au bord du vertige. La fiction emmène d’ailleurs le spectateur, sans bruit, à pas feutré, vers un point de bascule où tout va se décider définitivement pour ces héros d’un quotidien pétri de couscous et de soleil. Sans comprendre, brusquement, le récit se précipite dans le tragique où l’on perçoit que jamais plus le futur ne réparera le passé.
Il faut appréhender cette œuvre magistrale avec beaucoup de patience. À la manière de la longue séquence de fin, ô combien mémorable, de La graine et le mulet, le spectateur doit accepter le parti pris de dialogues longs, apparemment désinvoltes, et se laisser peu à peu happer par la tension narrative. La première séquence, absolument édifiante en matière de mise en scène, décrit la confection d’un repas oriental de dernière minute pour cette comédienne quasi boulimique et ce producteur suffisant qui, derrière les sourires, se révèle glaçant. Tout est déjà là : le vertige à venir des personnages, la tension dramatique et la dérobade finale du film.

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Abdellatif Kechiche cultive un vrai sens du cinéma populaire qu’il respecte profondément. La raison n’est pas du côté de ce producteur richissime ou cette actrice capricieuse. Elle émerge de ces gens de peu qui savent aller à l’essentiel et ne se laissent pas berner par l’illusion du pouvoir, du sexe et de l’argent. La vraie vie, dirait Rimbaud, se joue ailleurs, dans ce quotidien subtil où les jolies filles se résignent à des mariages sans doute médiocres, mais au prix d’une appartenance familiale qui ne soit ternie d’aucune ombre. Les jeunes filles dansent, courtisent, et les hommes, souvent maladroits, se perdent dans leurs circonvolutions sensuelles.
Shaïm Boumedine et Salim Kechiouche occupent une place centrale dans ce drame solaire. Les deux acteurs incarnent deux cousins, très différents, mais avec beaucoup de grâce et de beauté. Derrière la maladresse de l’un se cache une psychologie complexe teintée de failles narcissiques, là où l’autre exerce sur autrui une forme d’attraction envoutante, grâce au silence permanent qui se dégage de son regard. On ressent presque que les comédiens ont d’abord donné d’eux-mêmes pour rendre vivants ces personnages qui s’apprêtent à basculer dans le tragique.
Mektoub, My Love : Cando due est un très grand film, qui clôt une trilogie qui sera sans doute mémorable dans le cinéma français. Et c’est enfin l’occasion de retrouver sur les écrans un réalisateur qui manquait au cinéma.
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