L’immeuble Yacoubian

Le Caire aujourd’hui. A travers les destins des habitants de l’immeuble Yacoubian, un portait vivant, attachant, nostalgique et sans concession de l’Egypte actuelle.

L’argument : Construit en 1930 en plein cœur du Caire, l’immeuble Yacoubian est le vestige d’une splendeur révolue. On y suit l’évolution d’une dizaine de personnages, reflets des évolutions de la société égyptienne depuis un demi-siècle.

Notre avis : Roman égyptien à grand succès, L’immeuble Yacoubian [1] est aujourd’hui adapté au cinéma. A travers l’évolution des personnages qui s’y croisent se dessine un portrait sans fard de l’Egypte moderne. S’y mêlent de nombreux destins et thèmes. Ainsi la corruption politique, alimentant les trafics divers et variés, véritable règne de la loi de la jungle. C’est aussi la montée de l’islamisme, nourrie par une société injuste dans laquelle les chances d’ascension sociale s’amenuisent de plus en plus, et où la justice n’est pas respectée (voir les agissements des policiers, qui commettent en toute impunité les pires exactions). C’est également l’absence de liberté sexuelle qui entraîne l’exploitation des femmes, la frustration des hommes et le rejet des différences. Ainsi apparaît un portrait peu réjouissant de la société égyptienne, gangrenée par nombre de maux et blocages. Constat malheureusement corroboré par l’actualité des dernières années (attentats terroristes, persécutions d’homosexuels...). D’où l’apparition d’une certaine nostalgie pour une époque révolue, plus libre et optimiste.
Le film affronte directement nombre de sujets tabous et bénéficie ainsi d’une réjouissante liberté de ton. Si certaines analyses psychologiques manquent un peu de subtilité, les auteurs ne sombrent pas dans le simplisme des explications toutes faites, et les responsabilités dans la dégradation du pays sont multiples.
Grâce à une mise en scène dynamique, à une habile construction reposant sur la variété des scènes (qui rend le film très vivant) et en dépit d’un montage parfois un peu brutal, Marwan Hamed réussit le portrait d’une société complexe et colorée, tout à la fois surprenante, répoussante et attachante. On veut croire qu’à l’image du symbole qui clôt le film, l’avenir saura puiser dans le passé des réponses aux graves questions qui l’agitent.