Le 8 février 2025
Cette œuvre testamentaire est emblématique de l’humanisme de Satyajit Ray, qui cerne ici la complexité du dilemme, qu’il soit politique ou sentimental. Un grand film à redécouvrir.


- Réalisateur : Satyajit Ray
- Acteurs : Victor Banerjee, Soumitra Chatterjee, Swatilekha Sengupta
- Genre : Drame
- Nationalité : Indien
- Distributeur : Les Acacias
- Durée : 2h17mn
- Reprise: 29 janvier 2025
- Titre original : Ghare-Baire
- Date de sortie : 17 avril 1985
- Festival : Festival de Cannes 1984

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– Reprise en version restaurée : 29 janvier 2025
Résumé : Au début du XXe siècle, dans la région du Bengale, Nikhil et Sandip sont deux amis pris dans les bouleversements de la colonisation et les aspirations de la lutte nationaliste. Leur affrontement, politique et moral – Nikhil est propriétaire terrien (zamindar) alors que Sandip est un charismatique orateur politique – prend une autre tournure lorsque la femme de Nikhil, Bimala, sort de sa réclusion traditionnelle. Elle vient se placer au centre de ce qui devient un triangle amoureux…
Critique : Présenté en compétition officielle au Festival de Cannes 1984, La maison et le monde est le dernier long métrage de Satyajit Ray. Le cinéaste avait été révélé en 1955 avec La complainte du sentier, premier volet de la trilogie d’Apu, avant de connaître une effervescence créatrice dans les années 60. Moins connu que Le salon de musique ou Charulata, La maison et le monde mérite une réelle réhabilitation, au même titre que Tonnerres lointains, le chef-d’œuvre des années 70. Il s’agit d’une adaptation d’un roman de Tagore que Ray mit de nombreuses années à mener à terme, et qui constitue quelque peu son film testamentaire, au même titre que Frontière chinoise pour Ford ou Le dernier nabab concernant Kazan. Le cadre historique est ici primordial et, comme dans le roman, 1908 est une année charnière qui voit le Bengale scindé en deux blocs administratifs, l’un hindou, l’autre musulman. Divisant pour mieux régner, le pouvoir colonial voit dès lors s’amplifier les revendications nationalistes, menées par Sandip (Victor Banerjee), agitateur local.
- Victor Banerjee, Swatilekha Chatterjee
- © 1984 National Film Development Corporation of India. Tous droits réservés.
Le scénario subtil (avec dialogues écrit par Ray lui-même) insiste sur l’opposition entre Sandip et Nihil (Soumitra Chatterjee, acteur fétiche du réalisateur), « Zamindar » (seigneur local), propriétaire d’un grand domaine et qui fait vivre de nombreux villages et commerçants du secteur. Si Sandip est lui aussi sensible aux injustices sociales, il se montre davantage réformiste que révolutionnaire, et affiche son goût pour la culture occidentale et son attachement à la libre circulation des marchandises entre l’Angleterre et l’Inde. Ce sont deux visions aux antipodes, l’extrémisme étriqué de Sandip contrastant avec la pondération humaniste et réaliste de Nihil. Et l’on comprend vite dans quel camp se situe Satyajit Ray… Pourtant, La maison de monde ne se réduit pas à cette dimension et Ray tenait à préciser : « Je suppose que le film est avant tout une histoire d’amour sur fond de tempête politique (...) Mais ce n’est pas vraiment un film politique. Il n’aborde pas le système des castes et l’oppression des couches les plus basses de la société. » (dossier de presse du distributeur les Acacias, 2025).
- Soumitra Chatterjee
- © 1984 National Film Development Corporation of India. Tous droits réservés.
Car le triangle amoureux qui se forme à l’écran est prétexte à un beau portrait de femme, dont le mari souhaite d’ailleurs l’émancipation intellectuelle (elle a une préceptrice anglaise) et qui tente de faire un choix entre deux hommes qu’elle n’arrive pas à départager dans son cœur et sa conscience. L’actrice Swatilekha Sengupta (Chatterjee) incarne à merveille cette héroïne romanesque qui rappelle la forte personnalité des protagonistes féminines de La grande ville et Charulata. Plastiquement, le film est superbe, même s’il n’atteint pas la perfection du Salon de musique : la couleur sied au cinéaste et en particulier pour le travail sur les tonalités (en collaboration avec le directeur photo Soumendu Roy), avec un soin apporté aux décors (l’intérieur du domaine) et costumes, sans jamais verser dans l’académisme. Œuvre puissante sur les liens entre drames collectifs et individuels, comme avait pu l’être Senso de Visconti, La maison et le monde ressort en salle en 2025 dans une version restaurée, à l’initiative du distributeur Les Acacias.
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