Le 18 juin 2025
Un livre qui nous plonge dans « l’affaire des fuites », une période peu connue de la IVe République. En se servant d’une base historique pour son roman, Potier démontre la force du soupçon, de la désinformation et de la solitude des pouvoirs. Une enquête dans les hauts lieux du renseignement, où des hommes se battent pour conserver leur dignité et défendent le sens aigu du devoir.


- Auteur : Frédéric Potier
- Collection : Aube noire
- Editeur : Éditions de l’Aube
- Genre : Roman historique
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 14 mai 2025
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur

L'a lu
Veut le lire
Résumé : Juillet 1954. Le président du Conseil, Pierre Mendès France, est informé par un ministre d’une fuite d’informations confidentielles d’un Conseil national de Défense au Parti communiste français. En pleine guerre froide, dans un contexte de décolonisation, le Gouvernement affronte les rumeurs et mène l’enquête.
Critique : Le choix du sujet n’est sans doute pas anodin. Frédéric Potier, déjà auteur d’essais et de polars, se fascine pour la vie politique. Il choisit de raconter ici, sous forme de roman d’espionnage, un scandale politique survenu en 1954, baptisé « l’affaire des fuites ». Pierre Mendès France, alors Premier ministre français, est connu pour vouloir réformer le pays. À cette époque, la France est en pleine guerre d’Indochine et la colonisation en Algérie ne va plus de soi. La République connaît une grande instabilité politique, avec des tensions internes importantes, y compris au sein de l’Élysée. C’est dans ce contexte historique réel que commence l’intrigue, quand Mendès France est informé de la divulgation d’informations secrètes liées à la guerre d’Indochine aux communistes.
Le risque en bâtissant un roman avec des personnages ayant réellement existé, c’est de ne pas sortir l’esprit du lecteur de ses propres représentations, et de le tenir en dehors du récit. En centrant l’intrigue sur l’enquêteur, Roger Wybot, le patron du Renseignement intérieur, l’auteur évite de peu cet écueil. Pari risqué cependant. À la fin de la lecture, on est tenté de vérifier ce qui relève des faits réels ou de la fiction. L’enquête n’en reste pas moins haletante. Le style de l’auteur, grâce à une écriture très visuelle, avec des descriptions précises, sait nous tenir en haleine.
Instabilité politique et méfiance généralisée, cela vous rappelle quelque chose ?
Ce qui frappe, dans ce contexte de guerre froide, c’est à quel point nos époques pourraient se croiser. Lorsqu’au sommet de l’État, une tentative de déstabilisation s’opère, le seul rempart contre les complots, les trahisons ou l’opinion reste la droiture de la justice, comme un rappel à la séparation nécessaire des pouvoirs. En faisant confiance à Wybot, directeur de la DST, personnage intègre et loyal qui subira lui aussi les attaques personnelles, le président du Conseil tient à la neutralité de l’enquête, qui devra se baser davantage sur des faits que des intuitions.
Les figures des espions dans le livre, dont les motivations restent dignes d’une tragédie humaine, démontrent comment tous les arcanes du pouvoir ne sont avant tout que des histoires d’hommes, traversés par l’orgueil, le devoir, la ruse ou même la complicité passive...
Le lecteur attentif notera la dédicace à John Le Carré, qui a connu le succès grâce à son roman L’espion qui venait du froid, écrit alors qu’il était diplomate britannique en Allemagne, pour chasser l’ennui de sa fonction. Dans ce roman-là, il était question d’utiliser les espions pour déstabiliser la hiérarchie, d’un camp et de l’autre de la guerre froide. Et l’on peut noter des similitudes dans la construction du roman : là où Le Carré mettait en scène des archétypes, Potier reprend des personnages réels, inventant plus ou moins leurs interactions, mais tous deux se concentrent uniquement sur l’enquête. L’auteur n’invente pas de psychologie, ne cherche pas à comprendre mais juste à exposer les faits, comme le ferait l’enquêteur lui-même. Des indices sur leurs personnalités apparaissent çà et là dans l’écriture, mais c’est bien la mécanique de l’affaire qui intéresse, cette traque minutieuse et documentée de savoir qui est l’espion et quelles pourraient être ses motivations.
Les chapitres sont courts, les épisodes bien découpés, l’écriture précise… On verrait presque des vignettes à la place des paragraphes, qui pourrait ainsi faire de cette intrigue une bande dessinée tout à fait passionnante. Le tout agrémenté de petites phrases savoureuses comme des maximes, que les personnages auraient pu prononcer, témoignant du plaisir de l’auteur à autopsier son sujet.
De ce roman à la lisière du document historique, le lecteur se voit livrer les sources qui ont servi à l’écriture, un bel exercice de transparence pour mener sa propre enquête. Quelques documents photographiques sont glissés au fil de la lecture, preuves historiques, témoignages factuels du récit. La plongée dans cet épisode du pouvoir sous Pierre Mendès France renvoie sans cesse à la citation de départ : « Ceux qui disent la vérité sont toujours responsables aux yeux de ceux qui la cachent ». À l’ère de la post-vérité, ce livre renvoie la responsabilité aux auteurs de ces tentatives de déstabilisation, à travers une enquête dont les rouages complexes sont clairement exposés.
296 pages
19,90€
Epub 12,90€
La chronique vous a plu ? Achetez l'œuvre chez nos partenaires !
Galerie photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.