Le 16 juillet 2025
Après avoir disséqué l’amour et ses fantasmes dans la capitale norvégienne, Dag Johan Haugerud conclut sa trilogie dans une réflexion drôle et sensible sur le genre et l’instabilité du désir. Une réussite.
- Réalisateur : Dag Johan Haugerud
- Acteurs : Jan Gunnar Røise, Thorbjørn Harr, Siri Forberg, Birgitte Larsen
- Genre : Comédie dramatique, LGBTQIA+
- Nationalité : Norvégien
- Distributeur : Pyramide Distribution
- Durée : 1h58mn
- Titre original : Sex
- Date de sortie : 16 juillet 2025
- Festival : Festival de Berlin 2025
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Résumé : Un ramoneur, heureux père de famille, en couple avec son épouse depuis des années, a une aventure inattendue avec un client... Il ne la considère ni comme l’expression d’une homosexualité latente, ni comme une infidélité, juste comme une expérience enrichissante. Il s’en ouvre à son épouse, qui le prend mal, puis à son patron, marié comme lui, qui lui avoue faire toutes les nuits des rêves dans lesquels il est une femme, objet du désir de David Bowie...
Critique : Ils sont deux collègues de boulot, l’un d’ailleurs étant le chef de l’autre, et les voilà qu’ils engagent la conversation sur un sujet des plus périlleux, celui de leur identité sexuelle. Le premier avoue avoir eu une relation sexuelle avec un client alors qu’il partage sa vie avec son femme et n’a jamais pensé à avoir des rapports avec des personnes de son propre sexe, et l’autre rêve toutes les nuits qu’il est devenu une femme que le chanteur David Bowie tente de courtiser. Et c’est ainsi que le dernier volet de la trilogie d’Oslo engage le spectateur sur le délicat sujet de la fluctuation du désir.
Peut-on se révéler homosexuel à près de quarante ans après non seulement n’en avoir jamais éprouvé le désir ou s’agit-il d’une simple escapade sexuelle sans lendemain ? Telle est la question qui se pose et va terriblement bouleverser l’apparente quiétude de la familiale de Schornsteinfeger. Si son épouse apparemment ne remet pas en question la liberté sexuelle de son mari, le fait qu’il ait succombé aux avances d’un homme la trouble moins par rapport à lui que rapport à elle-même et sa capacité à poursuivre sa vie avec un garçon qui pourrait changer d’orientation sexuelle. Parmi toutes les scènes qui colorent le film, la plus truculente réunit le couple dans un lit, où l’époux rentre dans les détails de cette relation d’un jour, et surtout avoue avoir éprouvé du plaisir dans la position passive. Cet échange, au lieu de réveiller des jeux érotiques, les fige alors dans un conflit larvé, redoutablement drôle, dont ils ne parviennent pas vraiment à sortir. En face, il y a ces discussions tout aussi sensibles sur ces rêves où Geschäftsführer se projette dans la peau d’une femme, sans jamais prononcer le moindre désir de sexualité avec l’homme de ses rêves qui le courtise.

- Copyright Pyramide Distribution
Dag Johan Haugerud termine sa trilogie dans une partie beaucoup plus urbanisée d’Oslo. Nous ne sommes plus dans les quartiers bobos de la capitale norvégienne, mais à sa périphérie où les classes moyennes achètent des appartements sur plan et les voitures circulent sur des lassos de bitume. Le spectateur est ainsi projeté dans une ville moins romantique, plus abrupte, où pourtant les sentiments et la vicissitude du désir prêtent à des dialogues tout aussi subtils que les deux volets précédents. Le ton du film est beaucoup plus léger, même si le fond de l’histoire remue profondément les deux protagonistes.
La place des enfants est beaucoup plus affirmée, avec notamment le fils de Geschäftsführer qui assiste aux échanges pour le moins étonnants entre adultes sans jamais sourciller. Son père perd la voix, et lui-même admet que ses cordes vocales se féminisent, comme un aveu subtil que le changement de genre est engagé. Il ne sourcille jamais, signe peut-être d’une génération qui s’encombre moins de morale et de normes. Son père d’ailleurs cède à l’invitation de deux jeunes femmes de déménager avec son fils un meuble monstrueux, non pas parce qu’elles sont aimables, mais sans doute du fait qu’elles sont très sexy. Le garçon se foule le poignet, et inévitablement on songe à l’impuissance que la littérature a illustrée dans la métaphore de la main coupée, chez Blaise Cendrars notamment.

- Copyright Pyramide Distribution
De la trilogie, le dernier opus est peut-être le film le plus détonnant. Dag Johan Haugerud offre une vision totalement déconcertante de la virilité dans des dialogues qui ne manquent ni de piquant, ni de sévérité. En ce sens, le long-métrage est profondément inscrit dans notre temps où l’on s’interroge de plus en plus sur la question du féminin et du masculin, de la liberté sexuelle, que mettent à mal des mouvements qui justifient leur radicalité du fait de la religion. Le ton alterne entre humour sombre, drame éclairé, le tout dans cet écrin de béton et de nature qui caractérise la ville d’Oslo.
Les trois volets de la trilogie d’Oslo célébrés au festival de Berlin nous auront ravis. Ils permettent ainsi de révéler sur les écrans un écrivain qui s’est prêté au jeu de la réalisation cinématographique, et surtout nous rappellent que le cinéma norvégien demeure aujourd’hui trop rare dans les salles, à l’exception évidemment d’Espen Sanderg et de Joachim Trier qui sont parvenus à conquérir le septième art mondial. Nous voilà face à une œuvre originale, très écrite, où pour le bonheur des yeux du spectateur, Oslo fait figure de capitale la plus belle du monde.
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