Le 3 novembre 2025
Une belle mise en abyme sous forme d’une enquête familiale et cinématographique, qui devrait ravir les fans de Chris Marker. Un documentaire singulier.
- Réalisateur : Dominique Cabrera
- Genre : Documentaire, Film pour ou sur la famille
- Nationalité : Français
- Distributeur : Alchimistes Films
- Durée : 1h44mn
- Date de sortie : 5 novembre 2025
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Résumé : Le cousin de la réalisatrice, Jean-Henri, se reconnaît dans LA JETÉE de Chris Marker. Il est là de dos, avec ses parents sur la terrasse d’Orly dans le cinquième plan du film. Aucun doute, il reconnaît ses oreilles décollées. Et si c’est lui, il est le héros du film, enfant... Dominique Cabrera est immédiatement happée par cette enquête intime et historique ; quelle était la probabilité pour que Marker et les Cabrera choisissent ce même dimanche de 1962 pour se rendre sur la jetée d’Orly ?
Critique : Dominique Cabrera, qui a alterné documentaires et fictions, avait été révélée par son premier long métrage de fiction, L’autre côté de la mer (1997), dans lequel Claude Brasseur incarnait un Français resté en Algérie bien des années après l’indépendance du pays. Ce récit sensible et prometteur, fidèle à la thématique récurrente de la réalisatrice (née dans une famille de rapatriés d’Algérie), avait été suivi d’une suite d’expérience inégales. On se souvient surtout de Corniche Kennedy, chronique touchante du quotidien de jeunes Marseillais. Le documentaire Le cinquième plan de La Jetée est fidèle à l’univers de Cabrera, qui met ici ses proches au centre du dispositif. En même temps, Le court métrage La jetée (1962) de Chris Marker, grand classique de la science-fiction d’auteur, qui inspira L’armée des 12 singes de Terry Gilliam, est au cœur de la narration. Car à l’occasion d’une exposition Chris Marker à la Cinémathèque française, Jean-Yves Bertrand, le cousin de la cinéaste, est persuadé d’être le petit garçon qui apparaît dans le cinquième plan de La jetée. L’enfant est photographié de dos, en compagnie de ses parents : Jean-Henri croit également reconnaître Angèle et Julien, son père et sa mère. Les trois personnages se trouvent sur une terrasse à Orly. Il s’avère que le garçonnet et sa famille fréquentaient régulièrement cet aéroport depuis leur retour d’Algérie. Illusion ou coïncidence ?

- © Ad Libitum
Et l’enfant du film est incarné, à l’âge adulte, par Davos Hanich, un acteur qui avait vécu dans la même ville algérienne que sa famille : sa mère aurait même pu le connaître... Et Davos ressemble physiquement à Jean-Henri… Deux niveaux de narration se télescopent alors avec habileté, à travers une double enquête, familiale et cinématographique, qui évoque (toute proportion gardée) les mystères de Blow-Up ou encore Vertigo, d’ailleurs cité dans le film. Les séquences relatives aux Cabrera montrent le sentiment contradictoire d’une famille d’artistes progressistes : conscients des ravages du colonialisme, et en même temps nostalgiques d’un paradis perdu dans lequel ils s’épanouissaient. La caméra de la réalisatrice est au plus près de cette parentèle filmée avec bienveillance, même quand des désaccords apparaissent dans les conversations. La tentative de retrouver les collaborateurs de Chris Marker permet de prendre conscience, si besoin été, de l’importance de cet artiste expérimental qui avait en outre abordé la question algérienne dans Le joli mai, dont il est également question.

- © Ad Libitum
Et là encore, de troublantes coïncidences sont mises en exergue, quand, par exemple, l’écrivaine Florence Delay, narratrice de Sans soleil et ex-Jeanne d’Arc pour Bresson, déclare ignorer que Marker admirait La merveilleuse vie de Jeanne d’Arc (1929) de Marco de Gastyne (dont l’interprète, Simone Genevois, a d’ailleurs de faux airs d’Hélène Chatelain, le visage féminin de La jetée). Tout le film glisse ainsi vers une mise en abyme à plusieurs niveaux, et Dominique Cabrera finit presque par se fondre dans la démarche de Marker, entre montage saccadé, travail sur la mémoire et tonalité à la fois poétique et politique. C’est la grande qualité mais peut-être aussi la limite de ce film qui passionnera les fans de Chris Marker mais risque de dérouter le spectateur n’étant pas au préalable familier avec son cinéma. En ce sens, le documentaire de Dominique Cabrera n’a pas la force émotionnelle de Carré 35 d’Éric Caravaca ou du Garçon de Zabou Breitman et Florent Vassault, œuvres sans doute plus consensuelles mais qui sur des sujets proches permettaient d’allier exigence et accessibilité. Le cinquième plan de La Jetée n’en reste pas moins recommandable pour les subtilités et qualités que nous avons mentionnées.
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