Les amants du Texas - la critique

Une romance glaciale sous le soleil texan qui révèle un cinéaste trop propre sur lui et perpétue la tradition snob du film indépendant américain.

L’argument : Bob et Ruth s’aiment, envers et contre tout. Et surtout contre la loi. Un jour, un braquage tourne mal et les deux amants sont pris dans une fusillade. Quand Bob est emmené par la police, Ruth a tout juste le temps de lui annoncer qu’elle est enceinte. Dès lors, Bob n’aura qu’une obsession : s’échapper de prison pour rejoindre sa femme et son enfant. Mais quand il y parvient, quatre ans plus tard, le rêve correspond mal à la réalité. En fuite, poursuivi par la police et par les membres d’un gang, Bob peine à rétablir le lien avec sa famille. Ruth est devenue mère et elle ne veut pas d’une vie de cavale : courtisée par un policier attentionné, la jeune femme devra choisir entre le passé et l’avenir.

Notre avis : Comme chaque année, la marée Sundance vient mourir aux pieds des spectateurs européens et apporte, mêlée à l’écume commerciale, son lot de films sur-esthétisés. Les amants du Texas se revendique aussi bien de Terrence Malick de par son atmosphère éthérée et affectée, que de la mythologie de Bonnie and Clyde avec ses protagonistes maudits. Au-delà de ses champs de blé baignés par la lueur du soleil couchant, l’histoire de ces amants maudits porte en elle les germes d’une production à succès. Le touchant tableau formé par le couple de Bob et Ruth, s’enlaçant désespérément avant de dégainer leurs six-coups, annonce presque malgré lui un film d’action effréné où bandits et forces de l’ordre s’affrontent sur le terrain du bien et du mal.

Or le film de David Lowery délaisse volontiers les escapades le long des routes du Sud, les obsessions de justice et autres engagements moraux. Les amants du Texas lorgne davantage vers la comédie dramatique, où les gestes du quotidien augurent de lourds fardeaux et l’amour revêt à ses heures différents costumes de chair. Cependant l’oeuvre, en cherchant désespérément une atmosphère adéquate, patine dans la moiteur de ses paysages texans. Perdu dans une dérive rêveuse, le long-métrage en oublie ses enjeux, et dans le même temps son scénario, la psychologie de ses personnages et même l’ambiance tant désirée. Les situations fluctuent dans les méandres de l’invraisemblance, et l’on en vient à s’interroger sur le sujet même du film en question. Alors que Bob ère rêveusement à visage découvert, peu après son escapade de prison, dans une petite bourgade où il semble avoir toujours vécu, Ruth tolère quant à elle la présence d’un shérif bien pensant pour lequel elle ne manifeste que peu d’inclinaison. Le feu de la passion a cédé la place à un embourgeoisement improbable à travers une enfant aux boucles blondes.

Dans cette Amérique profonde où chaque décor évoque de mythiques westerns, Rooney Mara et Casey Affleck font des pieds et des mains pour garder Les amants du Texas sur les rails de l’authenticité. Si on loue leur accent traînant, on ne peut que froidement constater le peu d’alchimie qui transparaît à l’écran. Il s’agit d’ailleurs vraisemblablement de cela dont le film pâtit : le manque de charme et de magie. Le rythme musical est fort bien choisi, le jeu des acteurs tout à fait honorable, et le panorama d’une rusticité charmante... Malgré cela la simplicité forcée du scénario, la photographie poussiéreuse du film, la mise en scène maniérée, le manque d’investissement du réalisateur aboutissent à une jolie petite coquille vide. Les amants du Texas, sous sa plastique polie, ne cache aucun secret, dont les amants maudits sont pourtant friands.