Le 27 novembre 2024
- Scénariste : Gaëlle Geniller >
- Dessinateur : Gaëlle Geniller
- Collection : MIRAGES
- Genre : Drame, Fantastique, Poésie
- Editeur : Delcourt
- Famille : Comics
- Date de sortie : 30 octobre 2024
Un huis-clos délicat aux couleurs fantastiques et poétiques.
Résumé : Revenu dans le manoir de son enfance en compagnie de son fils, Guerlain se voit troublé par des visions nocturnes, ce qui n’améliore pas son insomnie chronique. Tandis que les souvenirs reviennent peu à peu, il voit son fils échanger avec une ombre...
Critique : Avec Le jardin, Paris, Gaëlle Geniller avait clairement franchi une étape comme autrice et dessinatrice, et il n’a pas fallu attendre longtemps pour la voir dépasser ce nouveau seuil, car Minuit passé est assurément d’un niveau encore supérieur. Pour raconter l’histoire de Guerlain, l’autrice a su encore davantage prendre son temps, ne pas hésiter à partir dans le passé, y revenir, le lier au présent, le faire écho et cause à la fois, pour faire avancer un récit sur un ton très lent, qui semble infini alors que le lieu, lui, est l’immobilité même. Ce manoir hanté n’est pas d’une originalité folle, avec ses peintures mouvantes, ses escaliers hauts, ses pièces d’apparat et ses recoins multiples, mais il abrite des destins qui eux aussi paraissent clairs en apparence, mais vont se révéler complexes. Le père, artiste tourmenté, est romantique à l’extrême, sorte de croisement entre le jeune Werther de Goethe et Oscar Wilde, mais sa fibre paternelle est unique. Son fils semble être la victime exutoire, Isaac promis à un sacrifice sur l’autel du fantastique, de la culpabilité ancestrale, mais il se révèle lui un être sensible et surtout compréhensif de toutes les peines. Il reste les trois sœurs, que l’on soupçonne évidemment de trois caractères différents, chacune ayant un rôle à jouer... Elles sont en fait une trinité de liberté, d’indépendance et de sagacité qui veille sans le dire sur le duo de personnages cités auparavant, figures divines plutôt que démoniaques, virginales plutôt que succubes, créant une atmosphère douce, rassurante et cathartique aux antipodes de ce que propose le fantastique.
© Delcourt / Geniller
Le niveau supérieur tient évidemment aussi à la beauté du dessin, qui surpasse les productions précédentes de Gaëlle Geniller. Avec ce manoir, elle obtient un lieu qu’elle peut détailler à sa guise, le glissant de contrastes de couleurs, de rebords et d’alcôves à même de le rendre indéchiffrable, dans son luxe et son aspect vintage. Les objets, que ce soit les couverts ou le téléphone, ont une attention toute particulière pour embellir chaque page de petits choix judicieux et digne d’un antiquaire. Les personnages ont cette beauté triste que les romans des sœurs Brontë sous-entendent, que l’on imagine d’un Lamartine ou d’un Chateaubriand, mais le meilleur, le plus beau, le plus fin, réside dans leur élégance. Les vêtements sont véritablement le point d’orgue de cette œuvre, qui habille ses personnages (et l’on pourrait citer les tentures, les motifs des murs...) avec une allure folle, tant et si bien que l’on pourrait croire à des croquis de la future collection d’un Rousteing ou d’un Ghesquière.
© Delcourt / Geniller
Récit sur fond de réinvention douce du fantastique, dessin en forme d’ébauche de mode, les cases cochées par Minuit passé pour former un chef d’œuvre sont nombreuses, et prouvent que le talent n’attend pas quand il est chez ceux qui créent.
204 pages – 25,50 €
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Galerie photos
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