Le 28 juillet 2025
Une première œuvre de cinéma dont l’émotion puissante se révèle au fur et à mesure de ce portrait de femme, hantée par un passé et un avenir impossibles.
- Réalisateur : Alexandra Makarová
- Acteurs : Simon Schwarz, Rebeka Poláková, Carmen Diego, Noël Czuczor
- Genre : Drame
- Nationalité : Autrichien, Slovaque
- Distributeur : Maverick Distribution
- Durée : 1h50mn
- Âge : Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
- Date de sortie : 30 juillet 2025
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Résumé : Vienne, au début des années 1980. Artiste indépendante et mère célibataire, Perla s’est construit une nouvelle vie avec Josef, son mari autrichien, et Júlia, sa fille. Mais le jour où Andrej, le père de Júlia, sort de prison et tente de reprendre contact, le passé ressurgit. Poussée à retourner en Tchécoslovaquie communiste qu’elle avait quittée, Perla entreprend un dangereux voyage, quitte à mettre en péril son avenir et celui de sa fille.
Critique : Júlia a pénétré la salle de concert impressionnante où elle s’apprête à interpréter un prélude de Chopin. Sa mère, Perla, est présente dans la salle, le cœur gonflé par le désir de réussite de son enfant et celui de retrouver un compagnon qu’elle a abandonné une dizaine d’années auparavant, au moment où la Tchécoslovaquie cédait à la brutalité du communisme de l’ère soviétique, avec son lot d’arrestations arbitraires. Et c’est à ce moment qu’elle glisse à l’oreille de son mari autrichien qu’elle va devoir partir au pays avec eux, retrouver le père de sa fille, apparemment très malade, que les autorités tchèques ont enfin libéré des camps. Perla est donc le récit très antonionien d’une femme écartelée entre le vide laissé par sa fuite de Tchécoslovaquie et l’impossibilité de reconstruire un futur apaisé et durable.
Perla peint des œuvres torturées, la raccrochant aux tourments de son histoire, construite d’abandons successifs, de tortures sexuelles et psychologiques. Son ambition de devenir artiste se confronte au rejet viscéral de la domination qu’exercent sur elles le pouvoir et les administrations publiques. Elle préfère avant tout la liberté, tant sa détestation du communisme est ancrée dans son inconscient. À la limite, elle voudrait se condamner à la pauvreté, plutôt que se soumettre à la décision et à la solidarité de l’État. En ce sens, la jeune réalisatrice Alexandra Makarová offre un portrait radical d’une femme qui ressemble en tout point à celle qui l’a éduquée à Vienne, radicalité qui va s’effriter malgré elle quand va sonner le glas du retour aux origines.

- Copyright Maverick Distribution
L’éblouissement de ce récit n’est pas seulement lié au portrait de Perla. Il faut saluer le très beau travail d’étalonnage et de décors, qui restitue quatre décennies, entre l’invasion des troupes soviétiques en août 1968 et la fameuse révolution de Velours qui a vu le régime communiste s’effondrer. La majeure partie de l’histoire se déroule dans les années 80 en Autriche et au cœur même d’une République tchèque aux fonctionnements pour le moins anti-démocratiques. La réalisatrice décrit des formes de barbarie terribles où chacun a intériorisé des coutumes, des modes d’existence et un rapport aux gouvernants, emprunts de violence et soumission. Le personnage de Perla tente de résister à cet effondrement de la liberté, qui se présente d’abord dans la manière dont les hommes mettent en scène leurs relations aux femmes. Même Josef, le mari autrichien de Perla, n’est pas en reste par rapport à ces comportements de domination, auxquels l’héroïne résiste autant qu’elle peut.
Le film est celui d’un écartèlement permanent entre ses racines culturelles, sa revendication libertaire et son amour pour deux hommes. L’un a disparu dans les camps de prisonniers politiques tchèques, l’autre arrivé sur le tard dans son existence, à l’occasion d’une exposition de peintures. Chacun des deux voudrait imposer à Perla le sens de sa vie, les directions à prendre, mais elle résiste, avec la grandeur de ces femmes prêtes à toutes les folies au nom de leur émancipation. Le pire sans doute survient quand cette lutte déterminée est mise à mal par une autre femme comme elle, une policière froide et sans pitié, aux ordres de l’État communiste dont elle applique les règles sans sourciller d’un poil.

- Copyright Maverick Distribution
Perla est un film absolument magnifique, que porte d’un bout à l’autre l’actrice slovaque, Rebeka Poláková. Elle se coule dans la peau d’une héroïne complexe, entière, qui ne renonce à aucun de ses choix, au risque de basculer irrémédiablement dans le malheur. La Tchécoslovaquie et la Slovaquie entretiennent des relations très particulières, entre nostalgie d’un destin commun et revendication d’une autonomie. La langue slovaque est donc très présente dans ce récit autobiographique, et notamment avec le choix très explicite d’une comédienne slovaque. Elle rayonne dans un rôle à la fois sombre et lumineux, avec la prestance et la solidité d’un personnage de roman qui sombre dans les abîmes de sa propre détermination à survivre.
Il y a dans ce long métrage une densité romanesque indéniable. À la manière d’un Antonioni, Alexandra Makarová se plaît à filmer les gestes de la banalité, du quotidien, qui demeurent autant de manifestations d’un vide qui hante les personnages. Pour ce deuxième film de la toute jeune société Maverick, on ne peut qu’encourager ce nouveau distributeur ambitieux sur le marché du film en France, en espérant que les exploitants laisseront de la place dans leurs salles à cette exigence de qualité cinématographique.
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