Le 17 septembre 2024
- Dessinateur : Quentin Zuttion
- Collection : Grand public
- Genre : Drame, Anticipation
- Editeur : Dupuis
- Famille : Roman graphique
- Date de sortie : 30 août 2024
Un huis-clos sur la maladie et l’exclusion.
Résumé : Jeshua, propriétaire d’un salon de beauté, est transsexuel et jouit d’un quotidien plutôt tranquille. L’arrivée d’une épidémie mortelle va l’obliger à fermer le salon pour le transformer en mouroir pour les malades...
Critique : Réussir une adaptation de roman est un exercice périlleux pour tout dessinateur de BD, car en plus d’être fidèle, il faut apporter une touche d’originalité, un style qui colle à celui de l’auteur initial tout en posant son empreinte. Apposer sa touche, Quentin Zuttion sait le faire, et il n’a pas manqué de le réaliser de nouveau avec Salon de beauté, un conte sombre du mexicain Mario Bellatin, dont la métaphore des aquariums a visiblement inspiré notre auteur français. Du conte original, on retrouve les personnages, qui pourraient être de toute origine, de tout pays, trois hommes aimant s’habiller en femmes mais ne pouvant le faire que la nuit, des rencontres fugaces et des clientes lasses, mais les dialogues et les premières pages laissaient entendre que le conte serait plus dramatique, moins magique, jusqu’à ce qu’arrive la maladie et son cortège funèbre. La transition est assez brutale, rompant le charme doucereux du début, enfermant les revendications de liberté et de vie dans celle de la survie et de l’agonie, des thèmes qui n’ont guère d’espoir, mais une métaphore des situations hélas plausibles pour de nombreux trans dans le monde. De fait, Zuttion introduit ainsi l’atmosphère crépusculaire et le désespoir palpable qui affleure dans tout son album.
© Dupuis / Zuttion
Car le dessin y est évidemment pour beaucoup. L’hybridation avec les écailles, ces couleurs d’aquariums qui remplissent la pièce et les pages sont comme des aimants pour les yeux, et les nombreux corps dénudés qui peuplent les planches sont oubliés lorsque paraît un morceau orangé, tandis que le décor sombre peu à peu dans ce vert abyssal, comme une plongée sans fin dans les fonds. Pessimiste à l’extrême, intimiste dans ses recoins, le style graphique impose des vies qui se délitent, et les traits n’échappent pas à cette volonté de l’auteur, qui décompose petit à petit ses protagonistes pour ne leur laisser qu’une surface qui se désagrège, mais le caractère lui, semble inébranlable, fort d’un courage exemplaire, cet acier trempé qui résiste à l’autre qui rejette et à la mort qui guette, là encore emblème de l’ouvrage et du conte.
© Dupuis / Zuttion
Adaptation originale d’un conte qui l’était déjà, respectueuse de l’atmosphère et tenace dans son style entre volupté et morbidité, Salon de beauté porte à la fois très bien et très mal son nom, comme un lieu parfait entre Eros et Thanatos.
184 pages – 24,50 €
La chronique vous a plu ? Achetez l'œuvre chez nos partenaires !
Galerie photos
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.