Quand la polka s’en va
Le 26 janvier 2005
Où l’on constate qu’être drôle et être allemand ne sont pas deux choses antinomiques.
- Réalisateur : Michael Schorr
- Acteur : Horst Krause
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Allemand
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– Durée : 1h35mn
Où l’on constate qu’être drôle et être allemand ne sont pas deux choses antinomiques.
L’argument : Après avoir consacré sa vie à la mine, Schultze se retrouve contraint de prendre sa retraite anticipée. Il partage désormais son temps entre les copains, la pêche et l’association de musiciens amateurs où il est accordéoniste. Une vie routinière jusqu’au jour où il découvre qu’il existe une autre musique que la polka : le blues...
Notre avis : Le cinéma d’auteur germanique s’est lancé depuis quelques années dans le traitement de sujets sociaux ou psychologiques assez ardus. En tout cas, plutôt du genre à vous tirer des larmes qu’à vous décoincer les zygomatiques. Ainsi, les films art et essai allemands sortis récemment en France nous ont entre autres présenté un couple passionnel jusqu’à la destruction (Head-on, de Fatih Akin), une variation autour de Hansel et Gretel (Le bois lacté, de Christoph Hochläuser) et une analyse de la notion de frontière (Au loin, les lumières, de Hans-Christian Schmid). Rien que du très souriant !
Schultze gets the blues développe un autre registre. Celui qu’on retrouve d’ordinaire dans de rares mais bonnes chroniques anglo-saxonnes, genre Les virtuoses (Mark Herman, 1997). Michael Schorr cultive en effet ce mélange entre légèreté de façade et acidité du diagnostic sociétal qui fait la touche britannique. Car, au travers du personnage de Schultze, cet ancien mineur mis en pré-retraite sans autre remerciement qu’un bloc de minerai luminescent, le réalisateur passe à la moulinette tout un pan de la culture allemande.
En découvrant le blues, en ne jouant plus un air de polka à la fête annuelle de la communauté minière, en s’écartant d’une tutelle paternelle où accordéon rimait avec flonflons, Schutze rejette l’imagerie teutone rance qui va du culte voué à la culotte de peau à la vénération totémique pour la saucisse et la bière, et par là même bat en brèche un fort racisme identitaire. Dans une scène glaçante, le blues de l’ancien mineur se voit ainsi qualifié de musique de nègre par une grosse moitié de l’amicale des gueules noires.
Lorsque la petite communauté offre à Schultze un voyage aux Etats-Unis, son dégoût d’une certaine germanitude grandit d’un cran. Là-bas, il constate que le folklore s’est encore radicalisé avec la distance et préfère laisser en plan ses petits camarades trop germanophiles pour lui afin de se balader en bateau dans le bayou. Et il s’en porte très bien, discutant avec l’habitant, fricotant avec une demoiselle sur une piste de danse. Bref, s’ouvrant au monde et à lui-même.
C’est cela au final qu’est ce jubilatoire Schultze gets the blues, un joli film d’émancipation où le héros s’extrait de sa condition, du carcan de sa naissance, en approchant de la mort. Un film finalement assez politique, assez libertaire, avec ce garde-barrière qui cite des passages virulents de Schiller, avec cette affirmation que, c’est sûr, la révolution ne sera pas collective, mais qu’elle sera individuelle. Un film riche donc, servi par un trio d’acteurs remarquables et une réalisation qui donne toute son importance au cadre.
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