Le 11 novembre 2025
Inspiré des films de Robert Bresson et de Chantal Akerman dans leur formalisme, Silhouette pénètre, dans une langue rugueuse et profonde, la mécanique sinistre d’un groupuscule qui se prépare à attaquer l’armée du Shah d’Iran dont certains aujourd’hui banalisent hélas la brutalité extrême. Un film exigeant et salutaire.
- Réalisateur : Kianouche Akhbari
- Acteurs : Nasrin Derakhshanzadeh, Milad Ordoobadi, Paria Vaziri, Farzaneh Zinati
- Genre : Drame, Historique, Expérimental, Politique
- Nationalité : Iranien
- Durée : 1h38mn
- Plus d'informations : Le site du Festival
- Festival : Festival Nouvelles Images Persanes 2025
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– Année de production : 2021
Résumé : 26 avril 1974. Quatre militants d’un groupe d’action directe contre le régime du Shah se cachent dans un appartement à Téhéran. Ils mènent une vie simple et vaquent à leurs occupations quotidiennes. Tous s’inquiètent d’une réunion secrète et importante à laquelle l’un d’eux, Pari, doit assister à 10 heures du matin. La SAVAK (Organisation du renseignement et de la sécurité nationale) est informée de cette réunion. Pari quitte la maison à 9 h 30…

- Copyright Shima Abedinzade
Critique : Plus personne ne peut ignorer la barbarie du régime des Mollahs en Iran. Mais il serait bien imprudent, devant la brutalité du régime actuel, de relancer la petite mélodie du règne du Shah dont certains auraient l’impudeur de penser qu’il a été démocratique. Dans ce premier long-métrage filmé en toute clandestinité, Kianouche Akhbari restitue les quelques heures d’un groupuscule d’intellectuels avant qu’ils ne décident d’attaquer l’armée. Acte de résistance ou terrorisme ? Le cinéaste iranien pose clairement la question, dans une matière cinématographique, à l’inverse même du film d’action. En effet, Silhouette ne donne que rarement la parole aux comédiens. Dans une photographie très soignée, le réalisateur réécrit le silence, les gestes du quotidien, avec en permanence, une référence à la pendule qui marque le temps s’écoulant jusqu’à l’issue tragique. La militante Pari qui a quitté la maison pour se rendre à une réunion secrète a été arrêtée sauvagement ; et pourtant les mouvements de la vie quotidienne perdurent dans un silence sinistre, plus puissant que les cris de l’armée qui s’entendent vaguement en dehors de la maison.
Silhouette a été présenté à la quatrième édition du Festival du film persan à Vitré. Il était en lice avec d’autres longs-métrages qui ne sont pas parvenus à trouver une visibilité sur les écrans du monde. Conçu avec seulement cinq mille euros, le métrage témoigne de la difficulté et de persévérance de ces réalisateurs iraniens qui doivent lutter pour créer et offrir au monde une parole de liberté. Incontestablement, le film fait écho au chef-d’œuvre de Chantal Akerman Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles. S’il ne dure pas trois heures, il emprunte la voix du silence, la rugosité d’une caméra qui filme le quotidien, les petits-déjeuners silencieux, le rasage matinal ou encore le lavage des vêtements. De temps en temps, les protagonistes s’inquiètent de savoir s’ils ne sont pas surveillés depuis la maison d’en face, et le quotidien reprend ses droits, dans une langueur immense.
Kianouche Akhbari filme l’immobilité. De nombreuses scènes, semblables à des toiles de la période claire-obscure, montrent des personnages éteints, le regard vide, comme s’ils étaient déjà morts avant de se jeter dans la gueule du loup. Le régime du Shah avait éradiqué tous les partis contestataires et ces mouvements symbolisent les subsides de la contestation communiste qui n’a plus que la violence pour exprimer son désaccord avec la barbarie du pouvoir. Cette violence est-elle alors légitime ? Le cinéaste se refuse à tout commentaire : il privilégie le passage du temps, la banalité du quotidien à des grands discours qui pourraient déformer la pensée des spectateurs.
Silhouette est un film exigeant, abrupt. Il refuse les explications historiques, au risque d’ailleurs de perdre ses spectateurs qui n’ont pas toutes les clés de compréhension de ce qui se déroule sur l’écran. L’intention est sans doute de ne pas tant marquer la période des années 1970, comme si le propos universel avait pour objet de dénoncer toutes les barbaries qui se jouent sur la planète. Il faut saluer le travail de la photographie et de la lumière absolument magnifique. Le réalisateur emprunte, à défaut d’un pinceau, les mystères de l’image qui, de temps en temps, cède à un montage haché, brouillé, à la façon d’une toile qui évoluerait vers une forme d’impressionnisme. Silhouette demeure un grand film. C’est aussi et surtout une expérience de cinéma qui se fraie une place entre la recherche d’une esthétique nouvelle et la revendication politique en faveur de la démocratie.
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