Le 25 juillet 2025
Un joli film sur l’amitié et le désarroi à travers le portrait, tout en majesté, d’une femme moins névrosée que détruite par un évènement grave de l’existence. La comédienne Eva Victor se révèle grande réalisatrice.
- Réalisateur : Eva Victor
- Acteurs : Lucas Hedges, John Carroll Lynch, Naomi Ackie, Eva Victor, Louis Cancelmi, Kelly McCormack
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Wild Bunch Distribution
- Durée : 1h44mn
- Date de sortie : 23 juillet 2025
- Festival : Festival de Cannes 2025, Festival de Sundance 2025
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Résumé : Quelque chose est arrivé à Agnès. Tandis que le monde avance sans elle, son amitié avec Lydie demeure un refuge précieux. Entre rires et silences, leur lien indéfectible lui permet d’entrevoir ce qui vient après.
Critique : Voilà encore un film qui commence par la fin et peu à peu remonte les évènements pour mettre à jour les traumatismes qui habitent l’héroïne Agnès depuis plusieurs années. Cette dernière, réfugiée dans une maison isolée, reçoit sa meilleure amie de fac, Lydie, avec laquelle elle a brillamment passé une thèse de lettres anglaises. Jusque là, rien ne semble périlleux, fissuré, jusqu’à ce dîner austère entre anciens camarades d’université, où les mains qui vont se nouer sous la table entre les deux amies témoignent alors d’un drame immense qui broie leur vie. Le film remonte alors le passé, chapitres par chapitres, jusqu’à la dernière séquence qui rétablit la chronologie du récit et ferme la narration sur un troublant mystère.
Sorry, Baby ne prend sens qu’à cette ultime scène, aussi merveilleuse que glaçante. Eva Victor se garde bien d’apporter toutes les réponses. C’est au spectateur de recoudre les fils d’une narration qui dresse le portrait tout en nuances d’une jeune femme, brillante, très belle, hantée par le vertige. La réalisatrice décrit avec brio la mécanique du stress post-traumatique et la manière dont des drames majeurs peuvent conduire irrémédiablement des êtres à vivre à côté d’eux-mêmes, dans une sorte d’existence par procuration. On pense d’ailleurs à la fameuse chanson de Goldman La vie par procuration, qui décrivait une femme jamais vraiment à sa place, mais confondue dans l’existence des autres. Ici, Agnès semble en permanence sur un fil, prête à vaciller, tout en abhorrant une forme de faux-semblants de bonheur qu’elle crève parfois auprès de quelques rares chanceux.

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Sorry, Baby est une œuvre qu’il faut appréhender dans toute sa lenteur. Le scénario prend le temps de poser les traits fracturés de cette jeune femme. Les dialogues sont pétris d’une magnifique intelligence, avec des objets, des animaux, des gestes, des mots qui prennent sens peu à peu dans l’épaisseur filmique de la narration. L’écriture fait montre d’un art véritable de la subtilité, où tout se reconstitue doucement à l’aune des évènements passés de la protagoniste.
Mais Sorry, Baby est aussi un beau film sur l’amitié, la sororité diraient certains, entre deux femmes. Elles s’aiment dans une relation épurée de toute forme de sexualité, une authenticité du lien qui pourrait faire rougir de jalousie les spectateurs. Elles se comprennent à bas mots, savent exactement situer chez l’une ou l’autre, les zones de force et de fragilité. La confiance entre elles est totale, dans une bienveillance magnifique, jusqu’à un bébé confié en garde malgré la fragilité évidente d’Agnès.

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Sorry, Baby est un premier long-métrage. L’assurance d’Eva Victor à la fois comme réalisatrice et actrice est remarquable. Elle offre en presque deux heures le portrait douloureux, mais jamais mélodramatique, d’une femme hantée par un traumatisme ancien. On aurait presque imaginé que la cinéaste avait vécu ce même évènement, tant les conséquences qu’elle met en exergue sont vraisemblables, profondes et très subtiles. Le propos ne cède jamais à la facilité ou la tragédie gratuite. Au contraire, le récit manie le rire, le drame et l’ironie dans une langue cinématographique dense et voluptueuse.
Sorry, Baby a été découvert en avant-première au Festival du Film de Sundance de 2025, avant d’être sélectionné à la Quinzaine des Cinéastes. L’occasion était alors de révéler, au-delà de la comédienne déjà bien repérée, l’avènement d’une réalisatrice qui sait raconter des histoires aussi dépouillées que denses. Le film est un petit bijou scénaristique où l’amitié, l’amour, et l’espoir ont définitivement raison des affres du stress post-traumatique.
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