Notre avis : Journaliste, cinéaste et poète, Behrouz Boochani fuit l’Iran pour s’exprimer librement et échapper à la prison, dont il est menacé en raison de son engagement politique pour la cause kurde. Le 23 juillet 2013, après avoir erré plus de sept jours en mer, le bateau qui doit le mener, lui et ses malheureux compagnons de route, vers l’Australie, est intercepté par la Marine Nationale. Or, depuis le 19 juillet, l’Australie a durci sa politique migratoire. Dans un but dissuasif, elle jette systématiquement en prison tous ceux qui arrivent par la mer. C’est le sort réservé à Behrouz Boochani dont le seul délit est d’avoir recherché un abri sûr. Il est déporté dans un goulag à ciel ouvert, sur l’île de Manus, du nord de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. A travers cette œuvre magistrale, il en rapporte toute l’inhumanité.
Dans un style direct et sans fard, usant de divers procédés littéraires (la description, l’analyse ou la poésie), il ne tait rien des multiples violations des droits humains, et décrit l’horreur que vivent ceux qui, venus chercher ici une vie meilleure, se retrouvent emprisonnés sans motif, sans jugement et sans preuve, soumis à des geôliers australiens, dont la principale mission est d’anéantir tous leurs espoirs. Des paragraphes entiers dissèquent les humiliations incessantes, le manque total d’hygiène, les toilettes aux portes pourries devenues un bouillon de culture, les fouilles répétées, la nourriture abjecte, la violence infligée aux hommes, mais aussi aux femmes et aux enfants, tous unanimement dépouillés d’identité et de dignité.
Sans papier ni ordinateur, c’est pourtant au milieu de cet enfer physique et moral que ce jeune intellectuel trouve la force d’envoyer des milliers de SMS à un ami traducteur pour rendre compte, de manière universelle, du sort réservé aux migrants injustement traités ici ou ailleurs. Ce récit à tous points de vue colossal (il fait presque 400 pages et vous prend monstrueusement à la gorge) a été récompensé de plusieurs prix littéraires en Australie dont le Victorian Prize for Literature ainsi que Le National Biography Award. L’auteur n’a pu les récupérer, puisqu’il n’est toujours pas autorisé à pénétrer sur le territoire australien.
Ce texte ira droit au cœur de tous les défenseurs de justice et de liberté.