Le 6 mai 2025
Une sympathique comédie sénégalaise qui n’hésite pas à jouer avec les normes, braver les interdits et détourner les standards de la beauté en Afrique au nom de la défense légitime de la couleur de peau noire.


- Réalisateur : Adama Bineta Sow
- Acteurs : Pape Aly Diop, Yacine Sow Dumon, Nouroudine Diallo, Awa Djiga Kane
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français, Sénégalais
- Distributeur : Night ED Films
- Durée : 1h23mn
- Date de sortie : 9 mai 2025

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Résumé : Khalilou lutte contre les normes de beautés toxiques. Déguisé en Leila, il participe au concours de beauté de son école pour attirer l’attention sur ce fléau en Afrique : le blanchiment de la peau.
Critique : Il suffit de promener son regard sur les affiches de publicité qui colorent les murs de Dakar pour se rendre compte que l’influence du modèle occidental continue de peser sur les conventions africaines. En effet, nombre de sociétés commercialisent des produits dangereux dont l’objectif est de dépigmenter les peaux des femmes afin de parvenir à une couleur blanche. Cette pratique, hormis le fait qu’elle interroge sur sa légitimité, a des effets délétères sur la santé. C’est ce qui arrive à la mère du jeune Khalilou qui se retrouve avec un cancer de la peau sur la paupière, du fait même de l’usage qu’elle a pu faire de ces produits toxiques. On remarquera d’ailleurs que fort heureusement, le bénéfice n’en est que rare puisque la femme de quarante-deux ans continue de montrer une peau sombre et lumineuse, à l’image de ce magnifique continent africain. Le combat du jeune homme s’engage alors pour d’une part lutter contre ces pratiques et d’autre part faire gagner à un concours des camarades de classe qui ne se seraient pas blanchi le visage.
- Copyright Night ED Films/EUROPACORP
Timpi Tampa est un film comique qui traite d’un sujet grave. La réalisatrice emprunte la voix du rire pour dénoncer un problème qui ravage l’image de la femme sénégalaise et, en toile de fond, révèle l’ethnocentrisme blanc qui continue de hanter l’Afrique. La décolonisation est pourtant maintenant achevée, mais avec ce sujet force est de constater que l’emprise occidentale poursuit ses effets délétères. Adama Bineta Sow décide de ne pas en faire tout un drame. Au contraire, elle prend le parti risqué d’une mise en scène à la limite du burlesque qui joue avec les normes même cinématographiques. Ainsi, elle pousse son jeune héros à endosser les traits, les vêtements et la voix d’une étudiante, en la personne de Leïla, pour s’engager dans une campagne enthousiaste afin de constituer une équipe d’étudiantes qui se présenteront au concours de beauté. Peu à peu, il finit par convaincre un petit groupe assez représentatif de toutes les formes de beauté, de la femme ronde à celle émincée. On est alors bien loin de ces modèles ultra-féminisés où les femmes sont réduites à des objets sexuels extrêmes, tel qu’aujourd’hui en France ou ailleurs, où des voix s’élèvent contre le violence infligée par exemple aux mannequins sur les plateaux de mode.
Adama Bineta Sow réalise une comédie qui brave les interdits moraux de l’Afrique. Le courage de la mise en scène n’exclut pas quelques maladresses dans le jeu des acteurs, mais qui se dissipent très vite dans le récit. On s’amuse de ce jeune homme original, des allusions à l’homosexualité, et du déni tragique des Africaines quant à la grandeur de la peau noire. D’ailleurs, le recours à la comédie sauve réellement le propos qui, s’il avait échoué dans le mélodrame, aurait perdu de son intensité. La réalisatrice use d’un langage volontairement ironique, n’hésitant pas à provoquer l’amusement chez ses comédiens.
- Copyright Night ED Films/EUROPACORP
Évidemment, les moyens financiers manquent à cette comédie courageuse. On ressent l’économie budgétaire dans les choix limités de lieux, les rassemblements de figurants. Mais cette pénurie devient une force chez la réalisatrice, qui affirme que le cinéma est possible, même sans ressource, dès lors que l’idée est bonne. Il faut souligner que l’image est très belle, le cadrage souvent très intéressant, et les costumes sont absolument magnifiques. La cinéaste réalise un film populaire au sens noble du terme, qui invite à dénoncer le poids très normatif et enfermant des modèles de référence africains.
Timpi Tampa n’est en aucun cas le film de l’année. Mais la réalisatrice parvient à créer une œuvre originale, tout à fait plaisante, qui devrait faire réfléchir le spectateur occidental et africain. Espérons qu’un certain nombre d’exploitants s’intéresseront à cet objet artistique très agréable. Toujours est-il que la fiction révèle un interprète à suivre de près, Pape Aly Diop, qui incarne avec une bonhomie touchante cet étudiant militant jouant avec les limites. Son sens de l’à-propos, sa facilité à braver les codes, son agilité devant la caméra font la démonstration d’un acteur complet : parions déjà que son avenir sera couronné de succès.
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