Séjours d’initiation
Le 17 septembre 2003
L’initiation d’un jeune Frenchie, sur le mode roman autobiographique, par un de nos plus chaleureux touche-à-tout.
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Les jetées de Brighton, les filles, la lecture, la SF... et le Mal qui surgit où on l’attend le moins. L’initiation d’un jeune Frenchie, sur le mode roman autobiographique, par un de nos plus chaleureux touche-à-tout.
Si loin, si proche, si exotiquement terne, l’Angleterre a toujours eu un rôle initiatique pour les jeunes froggies. Là-bas, à quelques miles seulement, de l’autre côté de la Manche, il y a ces gens bizarres, cette étrange tribu aux drôles de traditions : les pubs, la bière, la reine, la pluie omniprésente, la conduite côté gauche, le cricket, la jelly... Mais surtout, au prétexte commode d’apprentissage des langues, on échappe aux parents, à l’emprise familiale : une occasion en or pour prendre un peu le large, pour se faire déniaiser.
A nous les petites Anglaises... Un slogan alléchant et combien de fantasmes pour des générations d’ados en éruption ! Certains vont en pension, tel Louis-Ferdinand (Céline), d’autres, comme le jeune Christian, grand dévoreur de livres - Spirou, Hugo, Camus, La nuit du Titanic... pas de ségrégation quand il s’agit de rêver - ont le privilège de se faire héberger par des cousins aimables, aimants, attentionnés... Christian découvre Brighton, les jetées fantomatiques, l’arôme du cidre doux, les revues interdites aux pages froissées/collées... Une femme - une vraie de vraie, épanouie, pas une fille ! - lui fait même cadeau de son premier baiser... Mais l’orgie véritable concerne encore les livres et, chez les bouquinistes, dans leurs casiers magiques, Christian exhume des pépites qui vont l’éblouir à jamais : Bradbury, Tolkien, Van Vogt, Rice Burrough et compagnie. Bref l’élite, la fine fleur ou - comme on dit en anglais, la "crème de la crème" - de la science-fiction, de toutes ses chapelles, dans toutes ses dimensions : heroic fantasy, merveilleux, fantastique, hard science, space opera, histoires de martiens, de robots... Et quand, cerise sur le gâteau (icing on the cake, in English), Christian apprend qu’il est le neveu d’un auteur authentique - oui, un héros vivant, en plume, en chair, en os ! - son bonheur ne connaît plus de limites. Pourtant, une ombre plane, "droite surgie de Mordor", le Mal tombe les masques au sein du gentil couple qui loge le jeune Français. Et toute "éducation" a ses aspects amers : alcool, violence et mort vont la parachever.
Médecin, journaliste, auteur d’essais, de polars, de romans fantastiques, d’histoires pour enfants, Christian Lehmann, quarante-cinq ans, a le talent prolifique, sans œillères, ouvert, curieux de tout. Avec son Education anglaise, notre touche-à-tout, au meilleur sens du terme, s’attaque à l’exercice casse-gueule du roman autobiographique. Il franchit la haie haut la main, sans pathos ni stérile célébration de l’ego grâce à une histoire (une vie) riche et pleine, un style sobre qui ne laisse pas pisser l’émotion mais la filtre à travers une narration solide, des personnages qui deviennent vite nos frères, une voix chaleureuse que l’on s’approprie. Et comment, nous lecteurs, pourrions-nous résister à quelqu’un qui prophétise ainsi sa fin : "Quelque part dans le temps, je commencerai moi aussi la lecture d’un roman que je ne finirai pas." ?
Christian Lehmann, Une éducation anglaise, Ed. de l’Olivier, coll. "Petite bibliothèque", 2003, 320 pages, 11 €
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