Le 2 mai 2025
Si ce portrait de jeunes hommes d’origine maghrébine qui se livrent sans frein à la violence des arènes camarguaises est intéressant et bien mené, l’ambition du titre semble un peu exagérée au regard de l’absence de figures féminines.


- Réalisateur : Jérémie Battaglia
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français, Canadien
- Distributeur : Vues du Québec Distribution
- Durée : 1h24mn
- Date de sortie : 7 mai 2025

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Résumé : Dans le sud de la France, au coeur de la Camargue, une tradition ancestrale et méconnue a lieu. Dans les arènes de la région, de jeunes hommes vêtus de blancs affrontent des taureaux dans un face à face dangereux et impressionnant. Bien plus qu’un sport traditionnel, ce combat sans mise à mort du taureau offre à de nombreux jeunes issus de l’immigration maghrébine la chance de prendre leur place dans l’arène comme dans la société française. Parmi eux, Jawad et Belka, deux raseteurs à la croisée des chemins. Jawad, suite à une blessure majeure, se questionne sur son avenir dans ce sport. Belka lui, suit les pas de son père. Il voit en sa passion une opportunité pour se sortir d’un avenir incertain et réaliser son rêve de devenir champion de France. Le film offre une plongée dans l’intimité des personnages. Par leurs mots, pudiques, ils racontent leur réalité en tant que jeunes Français d’origine maghrébine. En dehors des arènes, c’est un combat contre le racisme qu’ils doivent mener.
Critique : Ils sont jeunes. Ils ont le teint hâlé par le soleil camarguais. Ils arborent surtout un tee-shirt blanc où est affiché leur nom et qui donne à voir leur importante musculature. Ces jeunes gens ont de commun qu’ils sont d’origine maghrébine et fréquentent presque chaque semaine la fureur des taureaux à l’intérieur d’une arène. Alors, bien sûr, il ne faut pas confondre avec le flamboyant film d’Albert Serra Tardes de soledad qui décrivait le parcours de la jeune star, Andrés Roca Rey, dans un sport où les animaux sont mis à mort par des toréadors survoltés. Ici, l’enjeu n’est pas de tuer les animaux mais seulement d’échapper à leur colère et d’arracher une cocarde plantée entre les cornes du taureau. Ils sont donc tous d’origine arabe et trouvent à travers ce sport populaire une place qui leur est refusée par la société.
- Copyright Vues du Québec Distribution
Une jeunesse française n’aborde donc pas véritablement la question des arènes en Provence. Le but du réalisateur est de donner la parole à des jeunes gens qui subissent dans le pire des cas le racisme, et plus généralement la discrimination qu’ils éprouvent de plein fouet et qui les empêchent d’accéder au logement, au travail et à la considération. Alors, ces garçons s’adonnent à la brutalité de ce sport, qui certes leur apporte une reconnaissance du plus grand nombre, mais surtout les expose à des blessures traumatiques parfois incurables. L’ambition de Jérémie Battaglia, qui vit à Montréal, est de témoigner aussi bien de la culture de sa région natale que de la manière dont cette région permet une certaine forme d’acculturation des jeunes gens issus de la communauté marocaine, grâce à la popularité des ferias provençales.
Jérémie Battaglia est photographe de métier. On reconnaît le soin particulier qu’il donne à l’image, s’agissant des formes généreuses, quasi sensuelles, de ses personnages. Adonis s’intéressait déjà en 2024 aux corps abîmés certes, mais obsédés par la beauté, que les jeunes hommes entretiennent grâce au recours aux anabolisants et à la gonflette. Cette obsession du corps masculin volubile est très présente dans Une jeunesse française même si le réalisateur arbitre la question avec les risques évidents que ces jeunes héros encourent à se faire poursuivre par des taureaux excités. On présuppose que le Beau chez ce cinéaste trouve son pendant direct dans la blessure, l’atrophie et l’empêchement.
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Les femmes qui peuplent ce récit sont trop rares. Il y a la mère d’un des garçons qui se résigne à accepter la dureté du sport qu’il pratique. Et il y a la compagne d’un toréro, infirmière, qui soutient son ami dans sa passion, mais surtout passe beaucoup de temps à le soigner et à le panser. Alors se posent pour eux l’avenir, s’ils seront encore capables dans quelques années de se livrer à cette passion les conférant à un futur incertain et met en risque leur corps qui sera inévitablement confronté à un vieillissement prématuré. Du coup, le spectateur ne peut que se questionner : ce sport qui apparemment apporte une certaine satisfaction à ceux qui le pratiquent, n’est-il pas pas corrélé à la discrimination qu’ils endurent à l’extérieur des arènes ?
Une jeunesse française accentue l’aspect mélodramatique de ces existences avec l’utilisation de ralentis, et une coloration de l’image qui rehausse les couleurs brunes de la peau. La caméra se faufile le long des jambes, et les jeunes hommes se laissent filmer torse nu non sans une certaine jouissance. Jérémie Battaglia se fait plaisir dans cette exposition de la masculinité, mise à mal par la brutalité du sport qu’ils pratiquent et l’exclusion sociale qu’ils subissent au quotidien. Sans aucun doute Jean Genet y aurait trouvé une source féconde d’inspiration pour ses romans aussi sensuels que mystiques.
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