Le 5 août 2025
Derrière ce huis clos anxiogène et savamment mené se cache, lumineuse, la voix des femmes éprises de liberté. Un vrai coup de force cinématographique.
- Réalisateurs : Çağla Zencirci - Guillaume Giovanetti
- Acteurs : Saadet Isil Aksoy, Muhammed Uzuner, Erkan Kolçak Kostendil, Nilgün Türksever, Osman Alkaş, Elit Andaç Çam, İlber Uygar Kaboğlu
- Genre : Drame, Thriller
- Nationalité : Français, Turc, Luxembourgeois
- Distributeur : Pyramide Distribution
- Durée : 1h16mn
- Date de sortie : 6 août 2025
- Festival : Festival de Berlin 2025
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Résumé : Ankara, 1999. Arzu enchaîne les appels tarifés dans le call center érotique où elle travaille. Quand un séisme soudain frappe Istanbul, un jeune homme avec lequel elle était en ligne est pris au piège sous des décombres et la supplie de le sauver. Arzu saurait bien qui appeler... au péril de sa propre vie.
Critique : C’est un film court, ramassé, à l’image du seul lieu où il se déroule, à savoir les bureaux étroites d’une hotline à caractère sexuel. Les hommes de tout âge appellent et se répandent de fantasmes, d’injures ou parfois simplement de confidences auprès de ces écoutantes d’un genre particulier. Elles ne sont pas prostituées, juste là, au bout d’un téléphone où résonne toute l’ignominie humaine, de surcroît masculine. Arzu (il s’agit de son nom de scène, si l’on peut dire ainsi) enchaîne les conversations téléphoniques, pour le grand bien de son patron harceleur qui encaisse le prix faramineux de ces minutes érotiques. Puis soudain, les murs tremblent. Istanbul vient de subir un tremblement de terre dont les conséquences sont si terribles que les secousses se font ressentir jusque Ankara. Et au bout du fil, à ce moment, un jeune de quinze ans, qui va se retrouver entre la vie et la mort, sous un monceau irrespirable de pierres.
On se souvient encore du film danois The Guilty (2018) ayant pour lieu un centre d’appel de police, axé sur la sécurité d’une femme kidnappée qui était parvenue à appeler les secours. Le danger vient ici d’un tremblement de terre, avec pour corollaire un mystérieux carnet rouge où sont en jeu un procureur célèbre et des trafiquants dont on imagine qu’ils seront les seuls capables de sauver le jeune homme sous les décombres. Mais le vrai sujet de cette rescousse demeure le destin même d’Arzu qui doit composer avec l’emprise masculine sous toutes ses formes, qu’elle émane de ses confidents au téléphone ou de son environnement professionnel et familial.
On est en Turquie, un pays qui ne brille pas par son ouverture d’esprit, même si certains se plaisent à valoriser l’icône à paillettes Zeki Müren, aux allures si androgynes. La question des femmes demeure un vrai problème dans un environnement politique brutal, avec notamment en mars 2021 le retrait annoncé par Erdogan de la Turquie de la Convention européenne sur la prévention et la lutte contre la violence faite aux femmes et la violence domestique. L’islamisme radical hante une partie du pouvoir turc, ce qui, en tout cas dans ce film, n’empêche pas les hommes de céder à leurs fantasmes homosexuels ou de domination, du moins dans l’anonymat des conversations téléphoniques. La réalité des comportements change quand les hommes sont mis sur le devant de la scène. Le harcèlement sexuel, moral, et même physique, se transforme alors en une arme d’écrasement où tout est permis pour faire valoir leur appétit sexuel et affectif.
Le rythme est conforté par l’actrice principale, Saadet Işıl Aksoy, qui parvient, entre les conversations téléphoniques, les échanges furtifs avec ses collègues et les attaques de son patron, à faire palper la tension de façon magistrale. Comme souvent dans les thrillers, on a l’impression qu’aucune issue positive ne sera possible. Elle se montre de plus en plus batailleuse, engagée, avec notamment ces gros plans réguliers qui scrutent son visage. Les rares moments où elle est vue debout nous permettent de la regarder vaciller avec sa cane, comme un symbole des brutalités intrafamiliales commises en toute impunité en Turquie (ou ailleurs). Les deux réalisateurs, pris par les contraintes du huis clos, limitent la technique cinématographique et le montage au strict minimum, tout reposant sur la force d’expression de la comédienne et des autres interprètes.

- Copyright Pyramide Distribution
Confidente saura convaincre à la fois les militants qui avaient encore besoin de se voir confirmer de l’urgence de protection des femmes en Turquie, et tous ceux tout simplement attirés par un bon thriller. Nous sommes face à une œuvre aussi condensée que brillamment orchestrée pour maintenir la tension chez le spectateur. Sans révéler la fin pour le coup acrobatique, on peut préciser que la qualité du long-métrage s’appuie sur la capacité du scénario à doser la pression psychologique qu’il inflige aux personnages du film et par conséquent aux spectateurs.
Çağla Zencirci et Guillaume Giovanetti travaillent ensemble depuis longtemps, en faveur d’un cinéma turque, militant et combattif. Ils avaient déjà signé le très lumineux Sibel qui faisait du personnage principal un symbole pour l’émancipation et l’acceptation des femmes différentes. Et la différence de cette écoutante téléphonique se joue dans sa démarche claudicante et surtout l’incarnation de sa liberté dans un métier qui pourrait être assimilé à de la prostitution. D’ailleurs, le scénario a l’intelligence de la montrer résistant avec force à l’appel de son patron pour la pousser dans la chambre rouge où manifestement les hommes payent pour faire l’amour. Elle note sur un carnet les confidences des appelants, transformant alors ce qui pourrait se résumer à un étalage de frustrations et de fantasmes sexuels, en des touches quasi poétiques ou romanesques de l’existence pathétique de ces hommes.
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