Le 15 octobre 2025
Dans une langue généreuse et sensible, Arnaud Desplechin donne la voix à la nouvelle génération de comédiens qui habitent avec passion et délicatesse ce qui ressemble à une page de littérature. Un film immense.
- Réalisateur : Arnaud Desplechin
- Acteurs : Charlotte Rampling, Hippolyte Girardot, François Civil, Alba Gaïa Bellugi, Anne Kessler, Nadia Tereszkiewicz, Jeremy Lewin, Marianne Pommier
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Distributeur : Le Pacte
- Durée : 1h55mn
- Date de sortie : 15 octobre 2025
- Festival : San Sebastián International Film Festival
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Résumé : Mathias Vogler rentre en France après un long exil. La mentore de sa jeunesse, Elena, souhaite qu’il donne une série de concerts au piano à ses côtés à l’Auditorium de Lyon. Mais dès son retour, une rencontre avec un enfant qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau, son double, plonge Mathias dans une frénésie qui menace de le faire sombrer, et le mènera à Claude : son amour de jeunesse.
Critique : Quelques grands cinéastes depuis plusieurs décennies égrènent, œuvre après œuvre, un langage moins cinématographique que littéraire. On pense en premier lieu à André Téchiné et Arnaud Desplechin arrive en deuxième position. Ce beau Deux pianos n’échappe pas à la recherche esthétique du réalisateur qui tente depuis son premier film de sonder la complexité humaine. Paul Dédalus est remplacé par un héros tout aussi romantique, Mathias Vogler, un pianiste virtuose, qui revient dans sa ville natale, Lyon, pour jouer aux côtés de sa mentore de jeunesse, Elena. Mais les amours avortées ressurgissent au détour d’un ascenseur, et c’est tout le petit monde intérieur de Mathias qui s’effondre.
Deux pianos est un récit vertigineux. Tous les personnages sont situés sur une ligne de crête, qu’il s’agisse du protagoniste qui fuit le réel dans l’alcool, d’Elena qui doit annoncer la fin de sa carrière, ou de Claude, dont le fils est peut-être né d’une relation ancienne et secrète. Arnaud Desplechin décortique, dans un langage romantique et attentionné, les émois de ses personnages qui tentent de concilier les contraires et les contrastes de leur existence. En abordant le destin fragile de ces individus, on songe aux grands films du réalisateur comme Un conte de Noël, Rois et reine et Roubaix, une lumière, qui prenaient leur appui narratif sur l’effondrement psychique et vital des différents protagonistes. Cette fragilité est particulièrement lisible quand Mathias, effondré par l’alcool, s’apprête à affronter les touches du piano.

- Copyright Emmanuelle Firman - Why Not Productions
La photographie et la mise en scène assument avec brio la tonalité romantique du récit. Il faut saluer la présence très enveloppante de la musique comme si elle constituait à elle seule un personnage en tant que tel. Bach, Chopin, Bartok s’invitent au milieu des tourments existentiels des personnages. La caméra capte les émotions, offrant au spectateur la possibilité de ressentir l’angoisse du public, la tension du pianiste devant une partition, et surtout la délivrance que génèrent les plus grandes œuvres classiques. Les décors sont aussi très beaux, à commencer par les espaces extérieurs de Lyon qu’Arnaud Desplechin filme avec une grâce absolue.
Alors, certains critiquent une langue jugée trop feutrée, des dialogues arrachés à des pages littéraires d’un autre temps. Au contraire, ce goût des beaux mots, de la métaphore, rappelle que le cinéma condense le réel dans une dimension parallèle et participe à la densité de la fiction. On pense au film précédent du réalisateur, Spectateurs !, qui justement démontrait l’attention de tout instant que le cinéaste accorde non seulement au cinéma, mais surtout à celles et ceux qui le regardent. Arnaud desplechin n’a plus rien à prouver, et pourtant Why Not Production lui offre toujours la possibilité inégalée de fabriquer un cinéma précis, beau et ample.
Deux pianos donne la voix à ces jeunes acteurs qui composent aujourd’hui le haut de l’affiche. François Civil est particulièrement impressionnant dans ce rôle de pianiste virtuose et alcoolique. Il semble presque impressionné devant sa mentore, interprétée par une Charlotte Rampling absolument époustouflante. Chacun des comédiens assume la perte, le tragique, et la beauté magnétique de François Civil témoigne paradoxalement du vertige qui s’empare de lui. Nadia Tereszkiewicz s’abandonne au rôle d’une mère attentive, mais au bord du déchirement, avec cette scène absolument sidérante où, depuis sa chambre, elle s’engouffre dans les sanglots.
Deux pianos donne à voir tout le meilleur que le cinéma français est capable de faire. Une nouvelle fois, le film affirme la place toute particulière d’Arnaud Desplechin qui est autant un cinéaste qu’un écrivain génial capable de transformer les mots dans des images.
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