Le 20 juin 2025
Joris-Karl Huysmans a écrit En ménage en 1881 et À vau-l’eau en 1882. Deux histoires qui se rejoignent par l’errance et la vaine quête de bonheur menées par leurs protagonistes. Avec son écriture mêlant crudité et poésie, l’auteur nous offre deux récits incisifs et désabusés.


- Auteur : Joris-Karl Huysmans
- Collection : Folio Classique
- Editeur : Gallimard
- Genre : Roman
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 6 février 2025
- Plus d'informations : site de l’éditeur

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Résumé : « En ménage » suivi de « À vau-l’eau » met en scène respectivement André l’écrivain et Jean Folantin le fonctionnaire. Les deux hommes vaquent à leur morne quotidien, le premier essayant de refaire sa vie après avoir quitté son épouse et le second cherchant vainement un bon restaurant dans la mesure de ses maigre moyens.
Critique : André est écrivain, il place difficilement ses romans qui ne se vendent pas ou peu. Heureusement pour lui, il a quelques rentes lui permettant de subsister. Mais quand il découvre que son épouse le trompe, il quitte simplement le domicile conjugal et se prépare à une vie heureuse, libéré d’une situation conjugale devenu invivable.
André tente de trouver la paix, mais se heurte sans cesse à une insatisfaction profonde. Il est hanté par le désir d’une femme, pour coucher avec elle et surtout s’occuper de la cuisine et de son intérieur.
Joris-Karl Huysmans dépeint, avec André et son ami peintre Cyprien, deux artistes en difficulté, ne trouvant pas le succès, mais surtout deux bourgeois qui ne reconnaissent pas leur classe. Au-delà de la situation de ces deux individus, l’auteur analyse la psyché masculine de cette fin de dix-neuvième siècle, le besoin d’une femme non pour échanger, pour aimer, mais juste pour s’occuper des tâches domestiques et récupérer un peu de tendresse, répondre à quelques besoins charnels.
Mais rien ne se passe comme prévu et la solution permettant de trouver un léger bien-être au prix du renoncement au bonheur donne une fin profondément pessimiste à ces deux œuvres.
En cela, "En ménage" et "À vau-l’eau" se rejoignent. Leur sombre conclusion sur l’impossibilité d’être heureux marque le lecteur. D’autant que la quête des deux personnages, André et Jean Folantin, se heurte à de nombreux obstacles et chaque solution trouvée finit en impasse. Manquant d’argent, André et Jean Folantin ne parviennent pas à trouver un plaisir de vie, que ce soit pour l’un dans le couple et pour l’autre dans la nourriture.
Profondément misogynes, ces deux récits dévoilent une vision de la femme bien sombre : bonnes qui carottent l’argent des courses, femmes de mœurs légères qui cherchent à être entretenues et épouse exigeante qui déteste les plaisirs de la chair et se révèle tyrannique ou simple dupe. Mais les hommes ne sont pas mieux traités, ayant peur de la confrontation, se faisant manipuler par les femmes sans savoir s’imposer, incapables d’avoir des objectifs de vie, crachant sur tout le monde, mais jamais en face, ils errent dans l’existence, courant après un bonheur qu’ils ne parviennent pas à définir.
Le livre comporte six illustrations en noir et blanc, datant de l’époque de l’auteur.
- Jean-François Raffaëlli, Portrait de Joris-Karl Huysmans (1893)
- Copyright collection Dupondt / akg-images
Joris-Karl Huysmans décrit une vision bien noire de la condition humaine et utilise un humour noir pour planter les décors et les caractères. Ces personnages sont confrontés à la crudité de la vie : la maladie, les latrines, la nourriture malsaine, ou encore les nettoyage hygiéniques post-coïtaux. Et surtout, ils vivent très mal la solitude. Leur lâcheté les rend presque drôles et en même temps pathétiques. Jonglant entre ces deux sentiments, Joris-Karl Huysmans pousse ses protagonistes de plus en plus loin dans leurs retranchements. Et pourtant, il n’y a pas de grand conflit psychologique, d’ambitions démesurées : au mieux des disputes et une simple routine de vie lénifiante, l’acceptation que le pire est à venir et qu’il faut se contenter de l’absence du bonheur, préférable au malheur.
Joris-Karl Huysmans, creusant une narration qui ne repose sur aucun enjeu, ramène le récit au simple déroulé de la journée et impose une histoire dépourvue de crescendo dramatique. Il propose une chute en douceur sans aucune tension et pousse la veine naturaliste dans ses extrêmes : montrer la vie réelle avec tout ce qu’elle a de plus inintéressant. Mais en même temps, il se détache de l’école de Zola. Le choix des mots pour ses descriptions n’évoque nullement une approche photographique mais plutôt une peinture impressionniste : jeux de lumières, reflet des couleurs, ambiance empreinte des émotions des personnages.
Ce travail sur la manière d’écrire s’oppose à ce refus du procédé narratif classique. On voyage dans un Paris magnifique à parcourir et pourtant bien sale. Ce mélange antithétique rajoute au malaise pointé par Joris-Karl Huysmans, cette impossibilité intrinsèque à être heureux aboutissant à l’acceptation d’une piètre vie.
Un préface de Pierre Jourde, une chronologie, un texte sur la réception de ses deux romans et de nombreuses notes complètent le recueil.
528 pages – 10 €
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