Le 11 juin 2025
Ces incises tourmentées et sensibles dans la vie amoureuse de Chloé Barreau constituent un objet de cinéma aussi original qu’émerveillant. Un film qui témoigne de l’excellente santé du documentaire en France.
- Réalisateur : Chloé Barreau
- Acteurs : Anna Mouglalis, Anne Berest, Rebecca Zlotowski
- Genre : Documentaire, LGBTQIA+
- Nationalité : Italien
- Distributeur : Destiny Films
- Durée : 1h35mn
- Titre original : Frammenti di un percorso amoroso
- Date de sortie : 4 juin 2025
- Festival : Festival Chéries-chéris
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Résumé : Depuis ses seize ans, entre Paris et Rome, Chloé a filmé ses amours. Coup de cœur adolescent, relation à distance, passion charnelle... alors qu’elle vivait une histoire, elle en fabriquait déjà le souvenir. Mais de quoi se souviennent ces ex ? Quelle est leur version des faits ? Douze d’entre eux se livrent pour reconstituer un parcours sentimental aussi singulier qu’universel.
Critique : Depuis qu’elle est jeune adulte, Chloé Barreau, munie de sa caméra quotidienne, filme l’amour. Elle capte les visages de ses amis, celles et ceux qu’elle guette comme des jouets sensuels dans une existence où tout ne devient plus qu’amour et volupté. Près de ving-cinq ans plus tard, la réalisatrice convoque les personnages qui ont agréablement bercé sa vie sentimentale, lesquels se livrent dans une face-à-face direct à un retour sur un passé en fanfare. On y reconnaît des personnes célèbres comme Rebecca Zlotowski, Anne Mouglalis et d’autres, inconnus, garçons comme filles, autant de figures qui ont marqué et construit son identité sexuelle et affective de femme et de réalisatrice.
Fragments d’un parcours amoureux s’affirme sur les écrans comme une auto-fiction universelle qui interroge, à travers les propres tourments amoureux de la cinéaste, la manière dont chaque spectateur compose avec une relation qui se termine, une autre qui commence et d’autres qui se superposent. Cela fait de cette œuvre un objet de cinéma moins narcissique que véritablement conçu pour permettre à chacun de ce projeter dans ces récits sentimentaux. Chloé Barreau croise le témoignage des personnes qui ont construit sa vie amoureuse, qui parlent d’elle, comme s’il s’agissait d’une personne autre que celle qui se tient derrière la caméra. Elles disent leurs émotions, colères, rancœurs, et les souvenirs de ces étreintes qui ont participé à leur épanouissement physique.

- Copyright Destiny Films
Fragments d’un parcours amoureux rend compte du formidable regain d’inventivité du documentaire en France depuis une dizaine d’années. Chloé filme sa vie depuis des décennies, et cette intuition artistique qu’elle rassemble dans ce récit sonne comme l’expression d’un cinéma vivant et original. Finalement, Chloé a choisi l’image, mais elle aurait pu être écrivaine et raconter dans un roman ou un essai l’universalité de ce dont elle témoigne dans ce récit. Quelques incises de paysages traversés par des oiseaux dans le ciel montrent aussi que la réalisatrice ne sait pas que filmer les êtres humains. Elle parle de Paris, Rome, Londres, du métro qui circule entre deux stations. Elle évoque aussi la vie étudiante dans les fameux cinquième et sixième arrondissements où les lycées prestigieux côtoient les universités non moins célèbres.
Chloé Barreau raconte aussi, dans une langue très douce, très sincère, la difficulté d’être soi dans le contexte politique où le PACS mettait toute la France sens dessus dessous en 1999. L’homosexualité ne va pas de soi, et les personnages témoignent chacun à leur façon de la manière dont ils ont pu se laisser aller à des attirances sexuelles qu’ils ignoraient, ou se conforter dans des désirs qui les constituaient depuis longtemps. En fait, derrière les jeux de séduction de la cinéaste en herbe, c’est à chacun de tisser le récit de sa propre histoire sexuelle et amoureuse.

- Copyright Destiny Films
Fragments d’un parcours amoureux est une œuvre extrêmement maîtrisée du point de vue de l’écriture, du montage et de la narration. En rassemblant les images de son passé, la réalisatrice va au-delà de la simple restitution de sa vie. Elle arbitre le drame, la joie amoureux dans un ensemble de vignettes qui, toutes, disent quelque chose de nos propres histoires sentimentales. Cet archivisme minutieux de l’amour rend compte du formidable geste de créativité, qu’elle n’imaginait sans doute pas quand elle filmait ses camarades de lycée ou d’université il y a vingt-cinq ans.
Il suffit d’entendre les spectateurs dans la salle frissonner avec Chloé Barreau pour savoir que ce film est d’une puissance évocatrice incontestable. Fragments d’un parcours amoureux va à la rencontre de chacun d’entre nous, dans notre intimité la plus profonde. On ressort de cette expérience de cinéma, non seulement subjugué, mais surtout hanté par des histoires avortées qui ne nous quittent jamais vraiment.
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