Le coupable idéal
Le 25 décembre 2017
Version passable de The Lodger, le métrage d’Hugo Fregonese vaut surtout pour sa description du Londres brumeux de la fin du 19ème siècle et pour l’interprétation de Jack Palance. Le discours réactionnaire, lui, séduit moins.


- Réalisateur : Hugo Fregonese
- Acteurs : Jack Palance, Frances Bavier, Rhys Williams, Constance Smith, Byron Palmer
- Titre original : Man in the Attic
- Genre : Thriller
- Nationalité : Américain
- Editeur vidéo : Artus films
- Date de sortie : 2 septembre 1955
- Durée : 1h22mn
Année de production : 1953
Sortie du DVD : 5 décembre 2017
L'argument : 1888. Dans la soirée précédant le troisième meurtre de Jack l’Eventreur, un pathologiste nommé Slade prend pension dans le grenier aménagé de la famille Harley. Très vite, la maîtresse de maison soupçonne ce nouveau locataire d’être le tueur au scalpel qui sème la terreur dans les rues de Londres. Lilly, nièce de cette dernière se sent irrésistiblement attirée par le nouveau venu. Ses jours sont-ils en danger ?
Notre avis : Cinquième adaptation du roman The Lodger écrit par Marie Belloc Lowndes en 1913, L’étrange Mr. Slade (1953) est avant tout le remake de la quatrième version tournée par John Brahm en 1944. Réalisée cette fois par l’Argentin Hugo Fregonese, cette nouvelle adaptation s’inspire totalement du scénario écrit pour le métrage précédent. Pire, le tournage a été effectué dans les mêmes décors et la même musique fut également utilisée. Est-ce pour cela que le résultat final semble aussi mécanique et bien peu affriolant ? Au petit jeu des comparaisons, on lui préfère largement la première adaptation muette d’Alfred Hitchcock (Les cheveux d’or – The Lodger, son premier chef-d’œuvre). Si le maître du suspense avait su conserver le mystère intact sur l’innocence ou la culpabilité du personnage principal, Hugo Fregonese nous livre la solution en pâture quasiment dès le début, évacuant ainsi toute forme d’ambiguïté, ce qui retire une bonne partie du sel de l’intrigue originale.
Malgré cette absence réelle de suspense, Hugo Fregonese parvient en partie à compenser cette faiblesse par une attention dans la création d’une atmosphère lugubre du plus bel effet. Ainsi, l’on apprécie particulièrement ces décors londoniens plongés dans la brume où l’ombre et la lumière se séparent de façon expressionniste. Il faut ainsi saluer le travail impeccable du chef opérateur Leo Tover (Le jour où la Terre s’arrêta en 1951 entre autres) qui livre une vision de Londres proche de ce que pouvait faire Fritz Lang dans les années 30. Au niveau de l’interprétation, Jack Palance se révèle parfait en criminel idéal dans l’un de ses tout premiers rôles. Sa « gueule » de cinéma alliée à une composition très juste d’un homme au bord du gouffre sur le plan psychologique est pour beaucoup dans le plaisir ressenti lors du visionnage. Il est associé ici à une Constance Smith à la beauté incendiaire que le réalisateur emploie d’ailleurs dans deux séquences de cabaret qui cassent un peu trop l’ambiance anxiogène.
Dans le contexte de la guerre froide, la morale très réactionnaire du métrage peut en tout cas déranger de nos jours puisque les auteurs signifient qu’un présumé innocent est forcément coupable. Il suffit de remplacer le meurtrier par un communiste pour comprendre le message maccarthyste dissimulé derrière ce thriller de série B. Après une carrière discrète aux Etats-Unis, le métrage est sorti en France en 1955 uniquement en province, souvent sous le titre Le tueur de Londres. Tombé dans le domaine public, il est souvent apparu par la suite dans des éditions VHS ou DVD de piètre qualité. Cette injure est aujourd’hui réparée par Artus Films qui le propose dans une belle copie restaurée.
Le test DVD :
Les suppléments :
La bande-annonce du film non sous-titrée et c’est tout. Mais le prix est modique.
L’image :
Belle restauration menée sur ce long-métrage tombé dans le domaine public et souvent diffusé dans des éditions calamiteuses. L’image est ici parfaitement définie, avec des contrastes maîtrisés et un piqué irréprochable. Le résultat est donc tout à fait probant et constitue assurément le point fort de cette édition.
Le son :
L’unique piste en version originale sous-titrée est claire et débarrassée de toute forme de souffle ou de chuintement. Le rendu est donc tout à fait plaisant dans la limite de ce mono d’origine.
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