Le 1er août 2025
Un film atypique qui ne se contente pas de déconcerter autant que d’interroger. Il offre aussi à Michel Blanc un dernier beau rôle.
- Réalisateur : Lionel Baier
- Acteurs : Gilles Privat, Dominique Reymond, Michel Blanc, Liliane Rovère, William Lebghil, Aurélien Gabrielli, Louise Chevillotte, Ethan Chimienti
- Genre : Comédie, Film pour ou sur la famille
- Nationalité : Français, Suisse, Luxembourgeois
- Distributeur : Les Films du Losange
- Editeur vidéo : Blaq Out
- Durée : 1h30mn
- Date de sortie : 19 mars 2025
- Festival : Festival de Berlin 2024
L'a vu
Veut le voir
– Sortie DVD/Blu-ray : 19 juillet 2025
Résumé : Christophe, neuf ans, vit les événements de mai 68, planqué chez ses grands-parents, dans l’appartement familial à Paris, entouré de ses oncles et de son arrière-grand-mère. Tous bivouaquent autour d’une mystérieuse cache, qui révèlera peu à peu ses secrets…
Le test DVD

- © Blaq Out
L’image :
Un soin particulier a été apporté aux décors et aux costumes qui nous plongent dans une époque (mai 1968) qui interroge encore (presque) toutes les générations.
Le son :
La musique est sobre et c’est le classique qui s’invite parfois pour ponctuer le film. À noter la chorégraphie familiale hilarante sur une chanson comique de Jean Yanne.
Les suppléments :
– Entretien avec Lionel Baier : le livre lui paraissait inadaptable au début puis lui est venue la trame de l’histoire. Une thématique cachée dans l’ouvrage l’a inspiré : l’Occupation et l’Holocauste mais sans reconstitution, ce qu’il n’aurait pu faire selon ses propres aveux et par rapport à son histoire familiale. Le film a nécessité un travail d’écriture de huit ans. Le réalisateur parle d’un fonctionnement par spirales autour du mois de mai 1968 qui intervient vingt-trois ans seulement après la guerre. Mai 1968 n’est cependant pas le sujet du film cependant celui d’une famille qui manque de vivre mai 1968 et le ressent depuis chez elle. La scène de la fouille de l’appartement permet aux personnages de prendre le dessus sur la police. Il y a tout un questionnement sur l’autorité. Le point de départ de La cache est une comédie qui nous emporte de plus en plus vers la réalité de la vie de ces personnes. L’arrivée du général de Gaulle est inattendue et donne une toute autre dimension au film. Lionel Baier s’inspire du cinéma des années 1960 : sa narration puise beaucoup dedans. On a là un désir de fantaisie. Le réalisateur distingue l’émotion réelle de l’émotion réaliste. On trouve, dès le début du film, une invitation à croire en l’histoire de l’enfant : c’est un pacte. Le cinéma est un vecteur de nostalgie pour le spectateur même s’il n’a pas connu une époque. Il parle de chaque acteur qui apporte sa touche de personnalité au film. Il est précisé que tournage a eu lieu en studio : l’appartement a été reconstitué. Le cinéaste rappelle qu’il est aussi producteur de son film dont La fin est différente du livre. C’est aussi la dernière image de cinéma de Michel Blanc, ce qui lui donne une dimension particulière. Lionel Baier la juge chaplinesque avec le sifflotement de Brahms.
– "Michel, vous nous manquez parce que..." : il y a beaucoup de rushes avec des loupés de Michel Blanc, ce qui prête à esquisser des sourires à foison. C’est un hommage rendu à cet immense acteur à l’aura incontestable. Sa concentration, la qualité de son travail (Michel Blanc est très exigeant envers lui-même) et tant d’autres immenses qualités comme petits défauts font de lui quelqu’un de vraiment humain, ce qui le rend proche de nous.
Éric Françonnet
Critique : Après La vanité, une comédie caustique sur l’euthanasie, Lionel Baier puise son inspiration dans La cache de Christophe Boltanski. Un roman paru en 2015, auréolé du prix Femina, puis du prix des prix littéraires, qui raconte l’histoire anticonformiste d’une famille d’intellectuels juifs à laquelle le réalisateur suisse trouve quelques similitudes avec la sienne, également originaire d’Odessa. Il y voit l’occasion d’envisager la Shoah non pas comme un événement historique mais comme un processus qui a imprégné une bonne partie du vingtième siècle et continue de le faire aujourd’hui. Ce n’est pas la vérité attestée qu’il s’apprête à raconter mais sa vérité vue par le prisme de cette famille atypique qui n’engendre ni la mélancolie, ni la contrainte.

- Copyright Les Films du Losange
La voix off du réalisateur interpelle d’emblée le spectateur. L’action se situe durant les événements de mai 68 déroulés comme autant de vignettes d’une bande dessinée. Il faut accepter de rentrer dans l’imaginaire de ces personnages truculents et ne jamais perdre de vue le cheminement mental du jeune Christophe qui, bercé par l’amour des siens, découvre peu à peu les secrets que cachent les murs de l’appartement de la rue de Grenelle. Pourtant, derrière cet univers de bonne humeur et d’inventivité perpétuelle sont tapis des sujets plus graves comme la recherche d’identité, l’antisémitisme, les non-dits et les cicatrices indélébiles dont chaque membre s’accommodera suivant son vécu et ses aspirations.
Les interactions entre des personnages aussi loufoques qu’attachants font le sel de cette comédie originale sur le poids de l’héritage familial. Le couple formé par Mère-Grand (Dominique Reymond), écrivaine combative et déterminée, conduisant sans coup férir et malgré les stigmates d’une poliomyélite, son Ami 6 Citroën rouge grenat pour aller à la rencontre des ouvriers (occasion idéale de tourner gentiment en dérision un militantisme révolu) et le doux Père-Grand, un médecin bienveillant, envahi de peurs incontrôlables auquel Michel Blanc apporte toute sa sensibilité, constitue l’élément phare, talonné de près par Arrière-pays (Liliane Rovère) qui, avec son franc-parler coutumier, n’en finit plus de ressasser ses souvenirs.

- Copyright Les Films du Losange
Nul doute que le schéma peu classique totalement assumé par le cinéaste qui mêle référence à l’univers des cartoons, couleurs détonantes (entre rouge sang de bœuf et vert pistache écrasée) et joyeux désordre en dérouteront quelques-uns, tandis que d’autres s’amuseront de cette liberté de ton, de ce décor suranné, de cette allusion à la Nouvelle Vague et de cette réminiscence du mouvement de mai 68 qui jamais ne s’égare dans la nostalgie, le tout bien ficelé dans un douillet chaos, rempli de bonhomie et de vivacité.
Entrechoquant avec intelligence imaginaire et réalité, grande Histoire et chronique familiale, La cache délivre un chaleureux message d’humanité, qui réchauffe le cœur.
Claudine Levanneur
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.

























