Le 18 mai 2025
La vie après Siham ou l’art de transformer une autofiction en un récit universel où chacun est emporté dans les secrets laissés par ses parents au moment du décès.
- Réalisateur : Namir Abdel Messeeh
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français, Égyptien
- Distributeur : Météore Films
- Durée : 1h16mn
- Date de sortie : 28 janvier 2026
- Festival : Festival de Cannes 2025, ACID Cannes 2025
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Résumé : Au moment de la disparition de Siham, Namir n’a pas compris qu’elle était partie pour toujours. Dans l’esprit d’un enfant, les mamans sont immortelles… Pour garder sa mémoire vivante, Namir enquête sur son histoire familiale entre l’Égypte et la France. Avec le cinéma de Youssef Chahine comme compagnon, une histoire d’exil et surtout d’amour se dessine.
Critique : On se souvient encore du très beau film de Christine Angot Une famille qui allait à la rencontre de ses proches et notamment de sa belle-mère et de sa mère qui avaient à leur manière cautionné l’inceste dont elle avait été victime. Le projet de Namir Abdel Messeeh emprunte les mêmes ressorts narratifs, mais il ne vient pas régler un traumatisme personnel ancien : il soulève le mystère amoureux qui entoure ses parents. Sa mère est décédée et, avant de mourir, lui a promis qu’elle serait présente à la première projection publique de ce drôle de film depuis le ciel où elle est partie. Car, si elle soutient les projets de son fils, elle aurait rêvé qu’il abandonne le documentaire pour une fiction avec de vrais acteurs, à la manière du cinéma de Youssef Chahine qui l’a tant émue lorsqu’elle vivait en Égypte.

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Le cinéma de Chahine habite en miroir cette autofiction qui transforme peu à peu les parents du cinéaste en de véritables comédiens, malgré eux. De temps en temps, le documentariste interrompt les dialogues avec son père, les visites au cimetière, d’un extrait de film du grand cinéaste égyptiens qui rappelle que ses parents ont vécu en Égypte et que lui-même continue de porter les empreintes indélébiles d’un pays marqué par des années terribles de dictature. Car son père a été incarcéré pendant le règne de Nasser pour des raisons politiques qui l’ont conduit à fuir en France. Sa mère, elle, aurait pu rester au pays, où elle occupait une fonction administrative très importante ; surtout, elle entretenait une liaison avec un homme qu’elle aurait préféré à lui. Mais les choses ne se passent pas toujours comme elles le devraient, et sans ce revirement du destin, nous n’aurions pas eu Namir Abdel Messeeh, et encore moins ce film qui constitue un vrai petit bijou d’émotions et de délicatesse.
L’autofiction a de merveilleux qu’elle reflète toujours un bout du lecteur ou du spectateur qui la regarde ou la lit. La vie après Siham aborde évidemment le deuil difficile d’un homme qui s’est souvent reposé sur son épouse. La peine semble inconsolable, même dix ans après la disparition de sa femme. Pour autant, le cinéaste n’en fait pas des tonnes dans le psychodrame. Au contraire, il s’amuse de sa famille qui réécrit le passé comme cela les arrange et laisse des secrets entiers qui ne se dévoileront que très peu. Le réalisateur écrit un récit au fil de l’eau, qui témoigne de la douceur de vivre, de la double appartenance culturelle française et égyptienne, et surtout du cinéma qui habite la famille tout entière depuis longtemps. Pas de pathos inutile. Juste une caméra qui se pose dans l’intimité d’un couple traversé par la séparation, et restitue une fiction qui aurait pu s’écrire entre Paris et Le Caire. Les références au cinéma muet apporte une dimension supérieure à la compréhension du geste artistique de Namir Abdel Messeeh.
La vie après Siham est un œuvre très originale, et dont on se réjouit qu’elle continue de capter des financements publics ou d’intéresser des distributeurs et des producteurs. Le documentaire donne beaucoup d’espoir pour celles et ceux qui voudraient s’engager derrière une caméra. Finalement, il suffit d’un téléphone portable, d’un logiciel de montage et le miracle se produit sur la toile. Le cinéma nous rappelle que c’est d’abord une histoire à raconter, un rêve à transmettre et un projet à faire grandir, même si l’idée part de l’intimité du réalisateur. Voilà tout l’enjeu de ce film qui déroule avec beaucoup de pudeur les héros amoureux qu’ont été ses parents et, avec eux, tous ceux dont les enfants méconnaissent le passé de leurs ancêtres. Le cinéaste joue avec les surprises, notamment autour du décès de sa mère, transformant finalement son long-métrage, moins sur un regard sur la mère qu’un tableau du père, confronté à la solitude, au vieillissement et à la vie qui continue. Il structure une mémoire qui devient celle d’un pays, d’une famille, et continue de se répandre encore longtemps dans les petites générations qui vont se suivre. Ainsi, le jeune fils du réalisateur devient à son tour, en fin de film, le symbole lumineux d’une histoire cinématographique qui se poursuit.
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