Le 25 mars 2025
Trahison, sens de l’honneur, vengeance et fidélité aux valeurs morales constituent le menu de ce conte japonais dont l’apparente quiétude n’est qu’illusion. Une œuvre de cinéma absolument magnifique d’un point de vue visuel.


- Réalisateur : Kazuya Shiraishi
- Acteurs : Jun Kunimura, Takumi Saitoh, Tsuyoshi Kusanagi, Kaya Kiyohara, Masachika Ichimura
- Genre : Drame
- Nationalité : Japonais
- Distributeur : Art House Films
- Durée : 2h10mn
- Titre original : Gobangiri
- Date de sortie : 26 mars 2025

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Résumé : Ancien samouraï, Yanagida mène une vie modeste avec sa fille à Edo et dédie ses journées au jeu de go avec une dignité qui force le respect. Quand son honneur est bafoué par des accusations calomnieuses, il décide d’utiliser ses talents de stratège pour mener combat et obtenir réparation...
Critique : Le jeu de go est né en Chine il y a plusieurs milliers d’années. Il se joue au Japon depuis longtemps, et ne s’est répandu que récemment en Occident. Le but du jeu est la constitution de territoires en utilisant un matériel des plus simples : un plateau, appelé goban, sur lequel est tracé un quadrillage ; et des pions blancs et noirs, nommés pierres, que l’on pose sur les intersections de ce quadrillage à tour de rôle. C’est ce que propose ce film tout à fait original mettant face à face des samouraïs qui tentent de résoudre leurs différends à travers ce jeu fascinant, où la stratégie semble se marier à celle des hommes qui s’adonnent au jeu en sacrifiant leurs existences.
- Copyright 2024 “GOBANGIRI” FILM PARTNERS
Le joueur de Go s’écrit dans une langue poétique, pétrie d’historicité. Le point de vue majeur de la mise en scène assume le dépouillement total, jusqu’aux décors qui semblent réduits à une scène de théâtre, voire même un spectacle d’ombres chinoises. L’aventure n’est pas le maître-mot de ce conte fascinant qui aurait pu céder à la facilité du film d’arts martiaux. Il y a au contraire une attention portée à la majesté des mouvements, à leur lenteur, à l’inverse d’un film d’animation, jusqu’aux échanges de sabres qui signent la fin d’un monde bâti sur les codes d’honneur et les valeurs d’intégrité. Il faut se méfier de la bande-annonce qui pourrait promettre un long-métrage rythmé : au contraire, Le joueur de Go affirme une langue qui prend le temps de dérouler les trahisons, les rivalités et la quête de vengeance des différents protagonistes dans un langage qui a moins à voir avec le témoignage historique que le conte social.
Il faut absolument souligner la très grande qualité apportée à l’esthétique du film. Chaque plan, chaque manière de poser la caméra, chaque jeu des couleurs témoignent d’un immense soin apporté à la photographie et à l’image. En ce sens, le long-métrage devient une sorte de balade contemplative dans l’univers intimiste de la noblesse japonaise qui convoque tour à tour les notions d’honneur, d’authenticité et de respect des valeurs humaines fondamentales. La cruauté des rapports sociaux tranche avec une apparente quiétude des relations, où les protagonistes brandissent le sabre pour sauver leur réputation, à l’instar des nobles français qui n’hésitaient pas à se livrer à des duels qui se substituaient à la justice civile.
- Copyright 2024 “GOBANGIRI” FILM PARTNERS
Le scénario fait montre d’une très grande intelligence. Il faut un peu de temps pour comprendre les enjeux narratifs. Peu à peu, les rivalités, les malentendus s’éclairent jusqu’à cette scène finale époustouflante où le bien finit par gagner sur la vengeance gratuite. Kazuya Shiraishi est un cinéaste expérimenté, qui maîtrise parfaitement les ficelles du récit même si en France ses films sont très peu connus. la caméra sait absolument se placer pour saisir la magie des regards et la très grande cohérence du propos. Le joueur de Go se distingue du film d’arts martiaux pour sa subtilité et l’attention particulière portée à la compréhension quasi sociologique du fonctionnement de l’aristocratie japonaise ancestrale.
Après un temps assez rapide d’adaptation, Le joueur de Go nous aura subjugués d’un bout à l’autre. Plus que jamais, on aura aimé son rythme, sa couleur, sa théâtralité, avec en creux la petite musique d’un monde passé. Le réalisateur n’hésite pas à critiquer ouvertement des pratiques sociales d’un autre temps, où les pères de famille n’hésitent pas à prostituer leurs propres filles pour sauver leur réputation. Des allusions très discrètes aux rapports homosexuels s’invitent dans cette histoire machiste où les hommes s’humilient dans des positionnements jusqu’au-boutistes, au nom de leur honneur bafoué. Le joueur de Go s’affirme comme une œuvre absolument originale, qui ne manquera pas de séduire tous les aficionados de la culture nippone.
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