Le 12 mai 2025
Inspiré d’un évènement tragique en Tunisie qui a suivi l’attaque du Bataclan, Les enfants rouges témoigne de la grande force du cinéma tunisien. Un grand film absolument bouleversant.


- Réalisateur : Lotfi Achour
- Acteurs : Ali Helali, Wided Dadebi, Yassine Samouni
- Genre : Drame, Teen movie
- Nationalité : Français, Polonais, Belge, Tunisien, Saoudien, Qatari
- Distributeur : Nour Films
- Durée : 1h38mn
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans avec avertissement
- Date de sortie : 7 mai 2025
- Festival : Festival International Film Saint Jean de Luz 2024

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Résumé : Alors qu’ils font paître leur troupeau dans la montagne, deux adolescents sont attaqués. Nizar, seize ans, est tué tandis qu’Achraf, quatorze ans, doit rapporter un message à sa famille. D’après une histoire vraie.
Critique : On a encore dans la mémoire partagée, le traumatisme de l’attaque du Bataclan en 2015. Ce que le spectateur français sait moins, c’est que trois jours plus tard, un tout jeune berger était sauvagement décapité dans la montagne tunisienne par un corpuscule de jihadistes. Les enfants rouges réécrit en quelque sorte cette page brutale de la Tunisie à travers deux jeunes héros, extrêmement pauvres, qui vont subir une attaque barbare de combattants islamiques. Le plus jeune, Achraf, est le seul rescapé et les terroristes le contraignent à rapporter la tête de son cousin à sa famille qui habite en bas de la vallée, dans une maison rudimentaire, où seul un réfrigérateur est le marqueur de la modernité.
- Copyright Nour films
Le long-métrage ne lésine absolument pas sur les émotions. Le cinéaste met en scène, dès les premières séquences, la barbarie qui s’abat sur les deux adolescents, sans filtre ni complaisance. L’horreur est brute, évidente, avec ces mines qui sont installées sur la crête de la montagne sur lesquelles les bergers et leurs chèvres risquent chaque jour d’exploser, cette misère endémique où l’accès à l’eau et à l’alimentation est empêchée par les terroristes, et une insécurité constante qui manifestement n’alerte pas le gouvernement. Lotfi Achour met quasiment dos à dos ces monstres sanguinaires et l’État tunisien qui abandonne ses populations rurales, les plus vulnérables. Il faut être bien déterminé pour continuer sa scolarité, car les enfants constituent pour les familles des bras indispensables pour se nourrir et gagner leur vie. De fait, Les enfants rouges est une œuvre politique qui lève un doigt accusateur sévère contre un gouvernement impuissant face à la radicalité religieuse qui étouffe une partie du pays, à l’image du fameux bonnet rouge dont Victor Hugo avait coiffé sa poésie.
L’adjectif "rouge" emprunte diverses significations qui se complètent. En arabe, la couleur désigne le courage, la bravoure, et force est de constater que le jeune Achraf est admirable. Le garçon porte non seulement le traumatisme d’un assassinat qui s’est déroulé devant ses yeux, mais il est mandaté par sa famille pour aller retrouver dans la montagne la dépouille de son copain, après qu’il a ramené sa tête ensanglantée dans un sac de sport. Le rouge se retrouve dans les vêtements que les enfants portent, mais aussi dans ce sang qui dégouline presque chaque jour au cœur de cette famille qui doit lutter pour survivre.
- Copyright Nour films
Pour autant, Lotfi Achour réalise un vrai film de cinéma qui se départit du seul langage politique. Il dresse un tableau somptueux de ces morceaux de montagnes où l’eau manque et la rocaille finit par prendre la place des arbustes, indispensables pour nourrir les chèvres. La musique aussi accompagne une fiction qui certes dénonce la lâcheté de l’État tunisien, mais tente de construire une manière esthétique qui fait honneur au cinéma. La mise en scène refuse toutes les formes de misérabilisme. Au contraire, elle parvient à montrer que même dans le dénuement le plus total, la beauté est possible. Les regards de ces enfants sont remplis de poésie qui se répand dans les paysages et offre aux yeux des spectateurs la démonstration que la Tunisie est un immense pays, d’autant plus quand elle assumera qu’elle ne se donne pas vraiment tous les moyens pour se démocratiser et réduire la pauvreté.
Les enfants rouges demeure un vrai choc cinématographique. La dureté du propos est palpable d’un bout à l’autre du récit qui se conclut par la révélation qu’un deuxième crime se reproduira chez un autre enfant de la famille et dans les mêmes conditions. Le film témoigne du deuil, un deuil d’autant plus difficile qu’il touche des enfants, disparus de façon inimaginable. La famille ne cède pas à la colère gratuite. Elle reste très digne, malgré l’inaction des politiques et la démagogie des médias. En ce sens, il s’agit d’un film qui, au-delà de l’hommage qu’il rend à ces deux jeunes victimes, rend compte de l’incroyable fécondité du cinéma tunisien qui brandit, depuis plusieurs années, le flambeau de la révolte.
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