Les fraises des bois / Confort moderne – Le test DVD

Sur un ton de conte réaliste s’ouvrant sans cesse sur l’absurde et le fantastique, le deuxième film de Dominique Choisy accompagne avec une distance affectueuse des personnages qui parviennent à se libérer de l’horreur sociale et familiale. Une petite merveille doucement jubilatoire.

L’argument : Violette vit en Picardie chez ses parents, de riches propriétaires agricoles. Gabriel est caissier dans un supermarché. En apparence, ces deux personnages discrets sont sans histoire. Pourtant, ils étouffent dans leur quotidien et cachent chacun de sombres secrets. De croisements incertains en rencontres fortuites, ils vont au fil des saisons essayer de se libérer de ce qui les entrave : leur parcours sera imprévisible et les solutions radicales.

Notes Toujours sur le fil entre un réel attentivement et amoureusement observé (Amiens, la Somme, la côte Picarde) et un monde de rêve (ou de cauchemar) doucement effrayant (mais souvent drôle aussi), le film de Dominique Choisy parvient à déjouer les attentes et les notions balisées de genre en frôlant à la fois le film d’horreur, le conte (notament Barbe Bleue) ou encore l’univers coloré de Jacques Demy et fait l’économie de dialogues explicatifs pour donner à chaque cadrage, chaque objet, un sens précis et mystérieux.
Les fraises des bois (Dominique Choisy 2011/12)
Il suit, au fil des saisons (hivers, printemps, été) et avec une distance affectueuse, ses personnages qui, tels les fraises des bois du titre, passeraient aisément inaperçus, mais se révèlent lorsqu’ils parviennent à faire éclater (par des passages à l’acte tragico-grotesques) le carcan d’une famille oppressante les maintenant dans une enfance prolongée (Violette) ou d’une horreur économique leur imposant un statut d’objet (Gabriel, le caissier-prostitué) pour parvenir in fine à constituer une espèce de nouvelle famille utopique.
Envoûtant de bout en bout, parsemé de moments de grâce véritable, drôle, inquiétant, émouvant, ce film confirme, après l’admirable Confort moderne (2000), l’originalité et l’importance d’un cinéaste dont on espère voir le prochain long-métrage avant douze ans.
Lire la critique de Virgile Dumez

Le DVD
Les fraises des bois / Confort moderne – Le DVD
L’édition DVD exemplaire de Epicentre associe au film le très beau premier long-métrage de Dominique Choisy et éclaire le travail du cinéaste grâce à des compléments de programme de qualité.

Les suppléments

Les nombreux compléments de programme s’avèrent tous passionnants.
– Le long-métrage Confort moderne (sortie en salles : 12 juillet 2000 ; avec Nathalie Richard, Valérie Mairesse, Jean-Jacques Vanier, Jean-Michel Noirey, Stephan Lara, Nini Crépon, Francine Bergé, ...) Confort moderne (Dominique Choisy 2000)
L’argument : Irène, la quarantaine, mariée, deux enfants une vie sans saveur entre la banque et son pavillon de banlieue. Un soir, au coin d’une rue obscure, l’agression. Trois jours de coma, un réveil douloureux, sans souvenir puis, le lendemain un nouveau choc. Irène découvre, dans un parc sordide, le corps de son agresseur, une jeune fille massacrée par vingt-quatre coups de couteaux. Des questions... jusqu’à l’obsession. Et du sang sur un chemisier... La vie d’Irène bascule. (Résumé Unifrance).
Notes : Admirablement organisé autour de l’exceptionnelle interprétation en creux de Nathalie Richard et placé sous le signe du réalisme magique d’un fascinant tableau de Karel Willinck (La femme en bleu), le premier long-métrage de Dominique Choisy sait organiser le subtil dérapage d’un quotidien moderne, mou mais pas si confortable que ça, vers un univers fantasmatique de cauchemar feutré ( Alice, pas au pays des merveilles dit le réalisateur) où l’effroi affleure souvent mais tenu à distance par un humour décalé et savoureux. Les choix de mise en scène, toujours très réfléchis (cadrages précis, absence de musique non diégétique) et la forte présence de tous les seconds rôles (Valérie Mairesse ; Diane Valsonne en inquiétante psychanalyste ; Francine Bergé et Bernard Douzenel en vieux parents à la détresse pathétique et grotesque ; Nini Crépon, ... ) permettent à ce film volontairement traité en mineur de captiver de bout en bout.
Bref on ne peut que se réjouir de l’opportune réapparition en DVD de ce petit joyaux qui n’était pas totalement passé inaperçu au moment de sa discrète sortie en juillet 2000.
– Rien à jeter non plus dans le passionnant documentaire de près d’une demie-heure qui interroge le réalisateur et ses deux comédiennes principales sur les parti-pris de mise en scène et d’interprétation (par exemple l’importance progressive du hors champ au fur en à mesure qu’on s’approche de l’été et que les personnages se libèrent).
Sur le deuxième disque Dominique Choisy et Nathalie Richard apportent également un éclairage précieux et adéquat sur Confort moderne.
– Xavier Leherpeur commente plusieurs scènes du film en mettant bien en évidence les questions que s’est posé le réalisateur (place de la caméra, durée du plan). Son analyse fine et enthousiaste prolonge le plaisir du film et incite à le revoir.
– On pourra aussi découvrir une dizaine de minutes de scènes que le réalisateur n’a pas retenues car jugées à l’évidence trop explicites ou redondantes.
– On pourra aussi consulter les filmographies succinctes de Dominique Choisy et de Nathalie Richard, l’actrice présente dans tout ses films (Il répète volontiers qu’il ne saurait envisager un film sans elle) ainsi qu’une galerie de photos et visionner la bande annonce.
Les fraises des bois (Dominique Choisy 2011/12)
Image

L’irréprochable report en DVD ne présente aucun problème notable de compression et rend parfaitement justice à la très belle photo aux superbes couleurs vives et froides signée à trois mains (Alexis Kavyrchine, Julien Roux et Laurent Coltelloni).
Son

Le Dolby Digital stéréo suggère parfaitement un espace sonore raréfié où les bruits et les voix prennent un relief inquiétant.

CONFORT MODERNE - Bande-annonce VF par CoteCine