Le 4 août 2025
En dépit d’un format trop long et de dialogues parfois creux, on apprécie cette critique des mariages et rencontres amoureuses dénotant un clientélisme et une marchandisation des relations hommes femmes.


- Réalisateur : Celine Song
- Acteurs : Chris Evans, Dakota Johnson, Pedro Pascal, Dasha Nekrasova, Sawyer Spielberg , Zoë Winters, Marin Ireland, Lindsey Broad, Louisa Jacobson
- Genre : Comédie dramatique, Romance
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Sony Pictures Releasing France
- Durée : 1h57mn
- Date de sortie : 2 juillet 2025

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Résumé : Une jeune et ambitieuse matchmakeuse new-yorkaise se retrouve dans un triangle amoureux complexe, tiraillée entre le "match" parfait et son ex tout sauf idéal.
Critique : Elle est matchmakeuse, pour celles et ceux qui se plaisent à user des anglicismes à la mode. Dit autrement, Lucy met en relation des femmes et des hommes en mal d’amour et de mariage, à partir de critères hautement précis, qui pour une bonne part d’entre eux s’attachent à des référentiels purement physiques et matérialistes, pour ne pas dire économiques. L’héroïne de cette comédie dramatique n’est pas en reste non plus de cette mentalité où le porte-monnaie du prétendant semble avoir plus d’importance que l’authenticité de la relation affective, puisqu’elle a quitté un comédien de théâtre fauché pour se mettre en couple avec un très riche businessman, étouffé par la solitude.
Le titre du film trouve donc son origine dans cette critique sociale d’une Amérique où les prétendants au mariage et à l’amour finalisent leurs projets, comme ils le feraient d’un contrat entre deux sociétés commerciales. On n’est pas loin finalement de la tradition de la dot qui continue de faire des ravages dans certaines sociétés du monde. En quelque sorte, Celine Song revisite le mythe du mariage forcé en supposant que les choix entre époux se feraient moins par attirance psychologique, que par la recherche d’un niveau de vie à la hauteur des espérances de chacun. En même temps, la population mise en scène dans cette fiction est loin des univers populaires et profonds de l’Amérique. Ici, les individus sont new-yorkais, médecins, avocats ou financiers, et se plaisent à organiser des mariages fastes où tout le beau monde la métropole américaine est convié.
- Copyright Adore Matchmaking LLC / Atsushi Nishijima
Celine Song assume sans complexe le côté un peu stéréotypé du récit. Et pour cause, avant d’être cinéaste avec son premier long-métrage Past Lives, elle a fait ses preuves dans l’écriture du théâtre. La cinéaste d’origine coréenne affecte particulièrement les dialogues qui donnent à voir la complexité psychologique de personnages se débattant entre désir d’amour et besoin de satisfaire leur situation matérielle. En même temps, nous sommes dans une comédie dramatique où le romantisme a toute sa place. Elle joue ainsi avec les émois des protagonistes qui ne cessent d’hésiter entre rejet et attachement et s’engagent sur la scène névrotique de leur besoin d’existence.
Materialists a moins à voir avec le cinéma que le théâtre. Les dialogues sont très nourris, très denses, avec un recours assez faible à la technicité du cinéma. La plupart des scènes se déroulent dans des intérieurs de bureau ou d’appartement, à défaut d’une exploration plus importante des sentiments amoureux au cœur des extérieurs new-yorkais. On ne peut s’empêcher de penser au cinéma d’un certain Woody Allen, si apprécié du public francophone, où la mélodie des sentiments se mêle habilement avec celle des rapports de classe. La réalisatrice plante un cinéma bourgeois, assumé comme tel, où elle se moque avec joie des conventions sociales dominées par le goût insatiable de l’argent, la culture du jeunisme et la recherche de la perfection physique et matérielle.
- Copyright Adore Matchmaking LLC / Atsushi Nishijima
Le grand défaut de Materialists demeure la longueur. Le spectateur comprend très vite la rhétorique à l’œuvre dans le long-métrage de Celine Song. Bien des scènes auraient mérité d’être coupées, ou du moins réduites, à l’exception de ces plans fixes, à chaque fois très bien choisis, où Lucy rencontre ses client(e)s candidat(e)s à l’amour. La cinéaste met en scène sans fard les ravages de la discrimination qui entravent une vision plus généreuse et ouverte du monde. L’entre-soi se poursuit inlassablement, a fortiori dans un contexte où les personnes payent des entreprises lucratives pour rencontrer l’âme sœur qui leur convient.
La cinéaste rend ses personnages très attachants, à commencer par l’héroïne qui pourtant, à l’ouverture du film, pourrait avoir le don d’énerver des spectateurs en déficit de confiance en soi. Elle se maquille généreusement, puis se pavane dans la rue, avec un air de princesse absolument déconcertant. Mais l’intelligence des dialogues finit par surprendre le spectateur lui-même qui voit dans cette figure son propre miroir personnel, quand le manque d’assurance prend le pas sur le goût de la vie.