Le 15 mai 2025
Ces deux cents jours de relations téléphoniques entre une jeune Gazaouie de vingt-quatre ans et une réalisatrice iranienne militante racontent l’urgence d’une guerre où les humaines tentent de survivre dans leur prison de poussières et de feu. Une œuvre majeure de la sélection cannoise 2025.


- Réalisateur : Sepideh Farsi
- Genre : Documentaire, Film de guerre
- Nationalité : Français, Iranien, Palestinien
- Distributeur : New Story
- Durée : 1h50mn
- Titre original : Put Your Soul on Your Hand and Walk
- Date de sortie : 24 septembre 2025
- Festival : Festival de Cannes 2025, ACID Cannes 2025

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Résumé : PUT YOUR SOUL ON YOUR HAND AND WALK est ma réponse en tant que cinéaste, aux massacres en cours des Palestiniens. Un miracle a eu lieu lorsque j’ai rencontré Fatem Hassona. Elle m’a prêté ses yeux pour voir Gaza où elle résistait en documentant la guerre, et moi, je suis devenue un lien entre elle et le reste du monde, depuis sa « prison de Gaza » comme elle le disait. Nous avons maintenu cette ligne de vie pendant plus de deux cents jours. Les bouts de pixels et sons que l’on a échangés sont devenus le film que vous voyez. L’assassinat de Fatem le 16 avril 2025 suite à une attaque israélienne sur sa maison en change à jamais le sens.
Critique : Sepideh Farsi est iranienne, et elle a fui son pays pour des raisons politiques et d’indépendance artistique et intellectuelle. On ne peut pas l’accuser d’allégeance au gouvernement des Mollahs, bien au contraire. Or la réalisatrice décide d’aller à la rencontre des populations de Gaza, en la personne de Fatem Hassona, pour confronter ses propres souvenirs de guerre avec celle de ces Palestiniens, sans tomber dans la facilité d’un discours pro ou anti-israélien. La rencontre se fait à distance, avec comme interface le propre téléphone portable de la réalisatrice. La caméra filme le témoignage de la jeune femme de vingt-quatre ans, mois après mois, depuis la France, l’Égypte, le Canada ou l’Italie, comme une immersion dans un quotidien pour l’une assommé par les bombardements, et l’autre dans le mouvement d’une réalisatrice accomplie et reconnue. Des photographies prises dans les rues palestiniennes, après qu’une bombe soit tombée sur le toit des habitants, alternent l’échange entre les deux femmes, toutes deux prises dans l’étau indicible d’une guerre idéologique et de traumas présents, anciens et à venir.
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Les photographies sont très belles, très puissantes, dans l’antagonisme même du sourire éclatant de la jeune femme qui se confie au téléphone. La communication se brouille souvent, du fait des autorités qui tentent d’empêcher les échanges hors et dans le territoire occupé. Les combats défigurent les immeubles, laissant les populations locales dans le désœuvrement le plus total. Fatem présente à la caméra tous les membres de sa famille, comme un geste inouï d’humanisation d’un conflit armé terrifiant, qui pourrait rester une somme d’images médiatiques. Cette tentative d’humanisation est d’autant plus forte qu’aujourd’hui cette femme et toute sa famille ont péri sous les bombes israéliennes.
Les mots sont durs, directs, sans fards. Ils parlent de la mort, de la brutalité de la guerre où Israël et le Hamas sont mis dos à dos, dans un langage de sourds qui ignore la détresse des populations prises en tenaille dans un conflit qui les dépasse. À chaque fois que la réalisatrice tente d’appeler Fatem, on ressent, devant l’impatience que le téléphone soit décroché, qu’il y a la peur qu’elle ne soit déjà plus de ce monde. Mets ton cœur sur la main et marche rend compte d’une urgence émotionnelle, politique, la tension étant de plus en plus palpable dans ces échanges qui ont à voir avec une sorte de journal de guerre. D’ailleurs, la jeune femme est poète et son témoignage devient le support à l’écriture universelle de toutes et tous ceux qui subissent la guerre, sans être en capacité de lutter contre elle.
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Le plus insupportable demeure le fait que la jeune femme a intériorisé le risque de mourir sous une bombe ou de famine. La faim apparaît comme bien plus dangereuse et perverse que l’usage des armes, empêchant les corps de se défendre, de trouver la force de résister. On entend le bruit des hélicoptères derrière la jeune femme qui confie vivre avec les dix membres de sa famille dans une seule pièce. On imagine et on ressent l’enfermement, l’oppression des murs nus, l’enfer du bruit des morts à l’extérieur de l’immeuble. De temps en temps, Sepideh Farsi filme son chat dans son appartement parisien, comme une respiration, un moment d’aération, dans la tragédie qui est contée par Fatem. Deux réalités deviennent criantes, celle d’une ville en ruine qui fume encore, et celle d’une capitale française qui croule sous les informations journalistiques.
Mets ton cœur sur la main et marche a été présenté par l’ACID, en hommage à cette jeune femme tragiquement disparue sous les bombes (après l’annonce de la sélection du film) mais sans doute en écho à toutes les populations gazaouies qui réinventent une histoire possible malgré les combats qui écorchent la ville. La réalisatrice témoignait de la guerre Iran-Irak dans son film d’animation La Sirène. Cette fois, elle se confronte à une autre guerre mais tout aussi brutale et injuste. Ces souvenirs communs deviennent le ciment d’une relation d’amitié extrêmement puissante qui transcende les rivalités entre les peuples du monde. Hélas, Fatem n’aura pas survécu. Il demeurera ce très beau documentaire, comme un symbole universel à choyer la paix et la liberté.
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