Open water : en eaux profondes

L’argument : Susan et Daniel sont venus aux Bahamas pour se détendre, et ils en ont bien besoin. Adeptes de la plongée, ils s’inscrivent pour une sortie sur la barrière de corail. Parce que le bateau est trop plein, parce que l’équipage ne fait pas vraiment attention, ils se retrouvent seuls, perdus au large, dans des eaux infestées de requins...

Notre avis : Chris Kentis est un jeune dilettante qui n’a pas la prétention d’être le nouveau Spielberg, ni même un Renny Harlin d’humeur taquine (souvenez-vous de Peur bleue et de ses requins retors qui savaient programmer les micro-ondes et multiplier les saltos). Non. Son dessein consiste à susciter la paranoïa et l’angoisse avec une économie de moyens et maintenir sans faillir un argument scénaristique ténu. Souffrant d’un syndrome de bête de festival (attention aux pétards mouillés), Open water a été présenté à Sundance comme un croisement entre Le projet Blair Witch et Les dents de la mer, deux summums de l’angoisse où l’horreur était présente mais suggérée.
Surprise : ce petit film, tiré d’une histoire vraie et sans effets spéciaux, est d’une efficacité si redoutable qu’on met au défi quiconque d’aller piquer une tête après l’avoir vu. Sans avoir recours à la musique, en jouant sur le hors-champ et les peurs primales inhérentes à chacun (le noir, l’inconnu, l’isolement), Kentis nous plonge avec ses protagonistes dans cette eau infestée de requins, menaces sournoises qu’on n’entraperçoit qu’à travers des ailerons. En choisissant de frustrer sciemment le spectateur en ne montrant rien (ce qui pourra dérouter ceux qui s’attendaient à un précipité bourrin et sanguinolent), le réalisateur parvient à nous faire ressentir ce que les personnages éprouvent : fatigue, stress, inquiétude, incapacité de savoir comment cela va se terminer (pas la peine de me torturer, je ne cracherai pas le morceau).
Et c’est là qu’intervient le choix paradoxalement adéquat de la DV : c’est visuellement laid mais ça apporte une dimension horrifique bien sentie, un climat brûlant, de saison. Oubliez le "phénomène" Hellboy et préférez-lui ce divertissement plus discret, plus instinctif, plus troublant, qui dérange à force de jouer avec nos nerfs et de parasiter nos repères... La bonne surprise de cet été.