Le verbe au fusil
Le 12 mars 2003
Une histoire d’amitié en période de guerre, servie par une écriture minimale et limpide.
- Auteur : Hubert Mingarelli
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Ils sont quatre, quatre soldats et non mousquetaires, quatre amis sur les (dé)routes de la guerre. Nous sommes en 1919 et les troupes extenuées de la jeune Armée rouge refluent face aux Polonais et aux Roumains. Dans la cohue de la retraite, les hommes se rapprochent, pour ne pas être seuls et pour avoir moins froid. D’abord, il y a Bénia, le discret narrateur, témoin plus qu’acteur d’une histoire d’amitié collective, à quatre voix. Ensuite il y a Pavel, la débrouille incarnée et la malice aussi, qu’il exerce gentiment aux dépens du simplet Kyabine, le colosse ouzbek. Sans oublier Sifra, laconique Aramis, qui remonte son fusil à l’aveugle et tire comme un roi.
Et puis comme ils sont quatre, il en faut un cinquième, pour cimenter le groupe et conter ses "exploits" : c’est le gosse Evdokim, gavroche va-nu-pieds mais scribe frénétique, vite adopté par la bande d’illettrés pour qu’il prenne note de tout, pour ne rien oublier : ce début de printemps, parenthèse fragile (la trêve hivernale touche à sa fin), les baignades à l’étang et les parties de dés, les courses dans les champs, le troc de cigarettes, le thé bien trop rare qu’on renonce toutefois à trop diluer. "Ecris tout, n’oublie rien surtout, hein, Evdokim", implorent nos bidasses qui sentent pourtant bien que la peur se rapproche, que le ciel est trop grand, impossible à figer et que rien finalement ne sera sauvé... Rien vraiment ? Car ici intervient la magie de la fiction : l’écrivain qui a fait naître ces personnages, leurs aventures, leur amitié - et qui peut les faire mourir à sa discrétion -, les incruste en fait au coeur de notre imaginaire et les rend éternels. "Ecris tout, n’oublie rien, surtout !" Le voeu des camarades est ainsi exaucé.
Quatre soldats est le dixième roman d’Hubert Mingarelli. De l’auteur, on sait qu’il a beaucoup écrit pour les jeunes et qu’il habite un hameau de montagne en Isère. La photo de page de garde montre une douce gueule burinée qui doit aimer l’air vif, le sable des rivières et les fougères mouillées. Timide, ténue, délicatement fruste, son écriture effleure les êtres et les coeurs, reste à la lisière pour mieux esquisser. Une écriture minérale et zen, qui polit des mots simples et qui s’abstient parfois de trop les préciser. Car comme dit Bénia, il est des cris "qu’il n’y a ni mot ni rien pour décrire, ou alors mon Dieu, donnez-moi les mots !"
Hubert Mingarelli, Quatre soldats, Seuil, 2003, 202 pages, 15 €
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